Mécontentement spirituel et créativité – Jiddu Krishnamurti (2)

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Si l’individu véritable émerge de la matrice collective, c’est-à-dire culturelle, sociale, familiale, il devient réellement créatif.

Dans l’article précédent, les paroles de Krishnamurti décrivent cette créativité, née du mécontentement spirituel  : l’individu qui prend une initiative agit selon son « moi » essentiel.

Les trois principes de l’astrologie, Uranus, Neptune, Pluton, alors, sont actifs sur le plan individuel. Ils ne sont plus seulement des planètes « collectives » :

Uranus, l’octave supérieure de Mercure, régit la pensée, l’Idée, qui n’est pas une décision mentale, mais une inspiration.

Neptune, l’octave supérieure de Vénus, régit le sentiment, la foi, la conscience d’appartenir à un Tout.

Alors, le sentiment et la foi se joignent à la pensée …

Pluton, octave supérieure de Mars, régit l’action.

Un œil sur le thème de Krishnamurti lui-même, sur les trois planètes transsaturniennes, Uranus, Neptune et Pluton, nous éclaire sur sa créativité …

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Jiddu Krishnamurti, 12 mai 1895, Madanapalle, 00H30

Jiddu Krishnamurti a dans son thème natal un Uranus dans le signe du Scorpion, en maison IX. Dans le signe du Scorpion, Uranus est en exaltation ; il est particulièrement puissant et transformateur, d’autant plus qu’il est en aspect au Soleil. L’opposition Soleil-Uranus est d’ailleurs située sur l’axe de la transmission, III-IX.

En maison IX, Uranus bouleverse les conceptions philosophiques, les croyances et les traditions, même spiritualistes : dans l’enseignement de Krishnamurti, il n’est même plus question d’indépendance d’esprit; il s’agit en effet de « se libérer du connu », de façon radicale.

Krishnamurti innove aussi dans les cercles spiritualistes (symbolisés par le Scorpion), ainsi que dans la conception que l’on se fait de l’instructeur (maison IX).

L’histoire de Krishnamurti illustre en effet ce mécontentement et une créativité …

Alors que le futur philosophe est encore un jeune garçon, Annie Besant et Leadbeater, de la « Société Théosophique » reconnaissent en lui « le Grand Instructeur », le Messie qu’ils attendent.

Annie Besant obtient la garde légale du jeune garçon et de son frère. Les Théosophes l’enseignent alors secrètement, et fondent l’Ordre de l’Etoile d’Orient, structure ayant pour vocation de créer une religion universelle.

 Et justement, l’acte fondateur de Krishnamurti, lorsqu’il devient le chef de l’organisation, est de rompre la structure : il décide de dissoudre l’Ordre*. Il n’aura de cesse, ensuite, en tant que « maître uranien », éveilleur, de dire que la libération de l’être humain nécessite de se dégager de toute autorité, de toute religion, de tout athéisme, de toute idéologie, puis de se dégager du conditionnement collectif et ancestral que l’être humain connaît de l’intérieur :

« Mais ayant réalisé que nous ne pouvions dépendre d’aucune autorité extérieure, il reste l’immense difficulté à rejeter l’autorité intérieure de nos petites opinions, nos savoirs, nos idées et idéaux. »

Refusant lui-même d’être un guru (guide) à suivre, Krishnamurti voyagea à travers le monde (Uranus en maison IX) pour exposer ses idées …

Neptune et Pluton sont conjoints, dans son thème, en Gémeaux, en maison IV. Les Gémeaux sont  (aussi) le signe de la transmission, de l’enseignement.  Avec Pluton, un puissant renouvellement est associé à l’enseignement, et à la pensée elle-même : pour Krishnamurti, en effet,  la pensée est « vieille » ; elle appartient toujours au passé. Son enseignement vise à s’en dégager, au contraire. Avec Neptune en Gémeaux, la pensée diffusée par Krishnamurti est inspirée, spirituelle, et elle tend vers une dissolution : c’est plutôt une méditation parlée.

Neptune et Pluton sont en maison IV, et indiquent aussi un héritage spirituel : ils correspondent à la reconnaissance, par les Théosophes, du Maître attendu en la personne de Krishnamurti, et la mission qu’il lui ont attribuée, avec un Ordre pour le soutenir.

Sur le plan du vécu, ces deux astres sont à mettre en rapport, aussi, avec l’enfance difficile de Krishnamurti, car la maison IV concerne la famille et les racines : la mort de sa mère, sa vie difficile auprès de son père, son déracinement, puis la mort de son frère. En effet, Pluton est dans le signe du frère, les Gémeaux.

Avec Pluton dans le secteur IV, il y a une notion d’héritage psychologique et de transformation, à mettre en relation avec le décès du frère de Krishnamurti. Ce décès a, semble-t-il, influencé la dissolution de l’ordre de l’Etoile et le positionnement particulièrement libre du philosophe, puisqu’avant cette mort, Krishnamurti promettait de suivre les préceptes des Théosophes sans remise en question. Elle fut donc un déclencheur d’une créativité individuelle, transcendante …

Ces deux astres en maison IV sont liés à des épreuves, mais ils ont contribué à modifier la base profonde de l’être. Ils indiquent un détachement des racines terrestres et du passé. Ils soulignent dans ce thème la méditation et un Eveil spirituel.

Anne L jesuisjecree.com

* Le discours de Krishnamurti lors de la dissolution de l’Ordre :

LA DISSOLUTION DE L’ORDRE DE L’ETOILE

UNE DÉCLARATION DE J. KRISHNAMURTI

Ce matin, nous allons discuter la dissolution de l’Ordre de l’Etoile. Beaucoup vont être contents, d’autres en seront affligés. Mais il ne s’agit pas ici de joie ni de tristesse, puisque cette dissolution est inévitable, comme je vais vous le démontrer.

Peut-être vous souvenez-vous de cette histoire du diable et de son ami :

Ils marchaient dans la rue: et ils aperçurent un homme qui se baissait pour ramasser quelque chose et le mettre dans sa poche.

L’ami dit au diable:

–  » Qu’est-ce que cet homme vient de ramasser ?  »

–  » Un petit bout de Vérité  » répondit le diable.

– « Mauvaise affaire pour vous !  » remarqua l’ami.

– « Pas du tout répliqua le diable, car je la lui laisserai l’organiser ! « .

La Vérité est un pays sans chemins, que l’on ne peut atteindre par aucune route, quelle qu’elle soit: aucune religion, aucune secte.

Tel est mon point de vue: et je le maintiens d’une façon absolue et inconditionnelle.

La Vérité, étant illimitée, inconditionnée, inapprochable par quelque sentier que ce soit, ne peut pas être organisée. On ne devrait donc pas créer d’organisations qui incitent les hommes à suivre un chemin particulier. Si vous comprenez bien cela dès le début, vous verrez à quel point il est impossible d’organiser une croyance.

Une croyance est une question purement individuelle, et vous ne pouvez ni ne devez l’organiser. Si on le fait, elle devient une religion, une secte, une chose cristallisée, morte, que l’on impose à d’autres.

C’est ce que tout le monde essaie de faire. La Vérité est ainsi rétrécie et transformée en un jouet pour ceux qui sont faibles, pour ceux dont le mécontentement n’est que momentané.

La Vérité ne peut pas être rabaissée au niveau de l’individu, mais c’est bien plutôt l’individu qui doit faire l’effort de s’élever jusqu’ à elle.

On ne peut pas amener dans la vallée le sommet de la montagne. Si on veut l’atteindre, il faut prendre par la vallée, grimper les pentes raides, sans craindre le danger des précipices. Il faut monter vers la Vérité: elle ne peut pas être abaissée vers vous, organisée pour vous.

Si c’est par son organisation qu’ une idée vous a intéressé, cela prouve que l’intérêt n’était ici qu’extérieur.

L’intérêt qui ne naît pas de l’amour de la Vérité pour elle-même est sans valeur. L’organisation devient un cadre: pour la commodité des membres qui s’y insèrent. Ils ne s’efforcent plus vers la Vérité, vers le sommet de la montagne, mais ils secreusent une niche confortable dans laquelle ils se placent, ou se font placer, pensant qu’ainsi l’organisation les conduira à la Vérité.

Voilà la première raison, pour laquelle, à mon point de vue, l’Ordre de l’Etoile doit être dissous.

Malgré quoi, vous allez probablement fonder quelque autre Ordre ; vous continuerez à appartenir à d’autres organisations qui cherchent la Vérité. En ce qui me concerne je ne veux appartenir à aucune organisation. Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas ici des organisations matérielles, mécaniques, qui sont utiles, et même indispensables comme par exemple, si je prends un train pour me mener à Londres, ou si j’emploie la poste ou le télégraphe.

Toutes ces choses ne sont que des machines, elles n’ont absolument rien à voir avec la spiritualité.

Je le répète, aucune organisation ne peut conduire les hommes à la vie spirituelle.

Si l’on crée une organisation dans ce but, elle devient très vite une béquille, une entrave qui mutile l’individu, et l’empêche de grandir, d’établir sa personnalité unique: laquelle réside dans la découverte, pour lui-même, de cette vérité, absolue, inconditionnée. Telle est la seconde raison pour laquelle j’ai décidé puisque je me trouve être le chef de l’Ordre, de le dissoudre. Personne n’a pesé sur ma décision.

Il n’y a rien là de tellement extraordinaire puisque je ne veux pas de disciples.

Dés le moment que l’on suit quelqu’un, on cesse de suivre la Vérité.

Je ne me préoccupe pas de savoir le cas que vous faites de ce que je dis. je veux faire une certaine chose dans le monde, et je la ferai avec une invariable fixité de concentration. je ne veux m’occuper que d’une seule chose essentielle: libérer l’homme.

Le libérer de toutes les cages, de toutes les craintes, et non pas au contraire fonder de religion, ni de secte, ni proposer de nouvelles théories philosophiques.

Vous allez naturellement me demander pourquoi je parcours le monde en parlant.

Je vais vous le dire.

Ce n’est pas pour être suivi, ce n’est point par le désir de me composer un groupe spécial de disciples choisis.

Les hommes aiment tellement à se distinguer de leurs semblables, fût-ce par les différences les plus ridicules, les plus mesquines, les plus absurdes!

Cette absurdité, je ne veux pas l’encourager. je n’ai pas de disciples, je n’ai pas d’apôtres: ni sur terre, ni dans le domaine de la spiritualité.

Ce n’est pas non plus le désir de l’argent ni de la vie confortable qui me mène. Si je voulais avoir une vie confortable, je n’irais pas dans des camps, ni dans des pays humides. je parle en toute franchise, car je désire que ces choses soient établies clairement une fois pour toutes. je ne veux pas continuer, d’année en année, des discussions enfantines.

Un journaliste qui m’interviewait trouvait extraordinaire de dissoudre une organisation composée de milliers et de milliers de membres.

Il disait: « Que ferez-vous ensuite? Comment vivrez-vous? Vous n’aurez plus personne pour vous suivre, on ne vous écoutera plus.

Eh bien! moi je vous dis: S’il n’y a que cinq personnes qui veuillent entendre, qui veuillent vivre, dont les visages soient tournés vers l’éternité ce sera suffisant. » A quoi cela sert-il d’avoir des milliers de personnes ne comprenant pas, définitivement embaumées dans leurs préjugés, ne voulant pas la chose neuve, originale, mais la voulant traduite, ramenée à la mesure de leur individualité stérile et stagnante?

Je vous parle avec une certaine violence, mais je vous prie de bien m’entendre, ce n’est pas par manque de compassion. Si vous allez consulter un chirurgien, n’est-ce pas une bonté de sa part de vous opérer, même s’il vous fait mal?

C’est ainsi que, si je vous parle sans détours, ce n’est point par manque d’amour, au contraire.

Comme je vous l’ai déjà dit, je n’ai qu’un but: rendre l’homme libre, l’inciter à la liberté, l’aider à s’affranchir de toutes les limitations, car cela seulement lui donnera le bonheur éternel, la réalisation inconditionnée du soi.

C’est précisément parce que je suis libre, inconditionné, intégral, parce que je suis la Vérité: non point partielle, ni relative, mais entière, la Vérité qui est éternelle, c’est pour cela que je désire que ceux qui cherchent à me comprendre soient libres. Et non pas qu’ils me suivent, non pas qu’ils fassent de moi une cage qui deviendrait une religion, une secte.

Ils devraient plutôt s’affranchir de toutes les craintes ; de la crainte des religions, de la crainte du salut, de la crainte de la spiritualité, de la crainte de l’amour, de la crainte de la mort, de la crainte même de la vie.

Comme un artiste qui peint un tableau parce que c’est son art qui est sa joie, son expression, sa gloire, son épanouissement, c’est ainsi que j’agis, et non pas pour obtenir quoi que ce soit de qui que ce soit.

Vous êtes habitués à l’autorité, ou à l’atmosphère de l’autorité: vous attendez d’elle de vous faire accéder à la vie spirituelle.

Vous croyez, vous espérez, qu’un autre, par des pouvoirs extraordinaires, un miracle, va vous transporter dans la région de la liberté éternelle, qui est le Bonheur. Toute votre conception de la vie est basée sur cette croyance.

Voici trois ans que vous m’écoutez sans que, à part quelques exceptions, aucun changement se soit produit en vous.

Analysez bien ce que je dis, avec un esprit critique, afin de comprendre pleinement, profondément.

Lorsque vous demandez à une autorité de vous mener à la vie spirituelle, vous êtes automatiquement obligé de construire une organisation autour de cette autorité. Et par le fait même de cette organisation, vous voilà prisonnier comme dans une cage.

Si je parle avec cette franchise, pensez bien que je ne le fais point par dureté, ni par un excès d’ardeur dans la poursuite de mon but, mais parce que je veux que vous me compreniez, car enfin c’est pour cela que vous êtes ici, et nous perdrions notre temps si je n’expliquais pas clairement, d’une façon décisive, mon point de vue.

Pendant dix-huit ans, vous avez tout préparé pour cet événement:

la Venue de l’instructeur du monde.

Pendant dix-huit ans, vous vous êtes organisés, vous avez attendu quelqu’un qui vienne apporter une nouvelle joie à votre esprit et à votre coeur, encourager et transformer votre existence, vous donner un autre entendement, vous élever à un plan supérieur de la vie, vous rendre libres enfin – et maintenant, voyez ce qui se passe! Considérez, raisonnez avec vous mêmes, cherchez si cette croyance vous a rendus différents – et je ne vous parle pas de cette différence, toute superficielle, qui consiste à porter des insignes: détail tout à fait mesquin et absurde.

Cette croyance a-t-elle balayé en vous toutes les choses non essentielles de la vie? Il n’y a ici qu’un critérium: de quelle façon êtes-vous plus libres, plus grands, plus dangereux à l’égard de toutes les sociétés basées sur tout ce qui est faux et non essentiel ?

En quoi les membres de cette organisation de l’Etoile se sont-ils transformés?

Comme je l’ai dit, vous avez tout préparé pour moi pendant dix-huit ans ; Il m’est égal que vous croyiez que je sois ou non l’Instructeur du Monde.

Cela est sans aucune importance.

Comme membres de l’Ordre de l’Etoile, vous avez donné votre sympathie et votre énergie parce que vous admettiez que Krishnamurti était l’instructeur du Monde, partiellement ou totalement, totalement pour ceux qui cherchent en toute bonne foi, et partiellement pour ceux que satisfont leurs propres demi vérités.

Donc, vous avez tout préparé pendant dix-huit ans: voyez cependant combien de difficultés se trouvent encore sur la voie de votre compréhension, combien de complications, combien de choses mesquines.

Vos préjuges, vos craintes, vos autorités, vos églises, anciennes et nouvelles, toutes ces choses, je le maintiens, sont des obstacles à la compréhension.

Je ne peux pas vous parler plus clairement. je ne veux pas que vous acceptiez mon opinion, mais que vous me compreniez.

Cette compréhension est nécessaire parce que votre croyance n’a pas suffi pour vous transformer, mais qu’elle vous a seulement compliqués, et parce que vous n’êtes pas désireux d’envisager les choses telles qu’elles sont. Vous voulez avoir des Dieux à vous: de nouveaux Dieux au lieu des anciens, de nouvelles religions au lieu des anciennes, de nouvelles formes au lieu des anciennes, tous également sans valeur, tous des barrières, des limitations, des béquilles.

Car vous en êtes là.

Au lieu des anciennes différences spirituelles, vous en avez de nouvelles, de nouvelles formes d’adoration, au lieu des anciennes.

Vous dépendez tous, pour votre vie spirituelle, de quelqu’un d’autre, pour votre bonheur de quelqu’un d’autre, et, bien que vous ayez tout préparé pour moi pendant dix-huit ans, lorsque je viens vous dire qu’il faut rejeter tout cela et chercher en vous mêmes l’illumination, la gloire, la purification, l’incorruptibilité du soi, pas un de vous n’accepte de le faire.

Ou du moins très peu, très peu.

Dans ces conditions, quel besoin d’organisation?

Que ferais-je d’une suite de gens insincères, hypocrites, moi l’incorporation de la Vérité? Encore une fois, je ne veux rien dire de dur ou de peu charitable, mais nous en sommes à un point où il faut regarder les choses en face.

J’ai dit, l’année dernière, que je n’acceptais aucun compromis. Bien peu alors m’ont compris. Cette année, je ne laisse subsister aucun doute. Je ne sais pas combien de milliers de personnes à travers le monde – des membres de l’Ordre – ont tout préparé pour moi pendant dix huit ans, et maintenant ils ne veulent pas écouter, sans réserves, ce que je dis.

Alors, à quoi bon une organisation?

je le répète, mon dessein est de faire des hommes inconditionnellement libres, car je maintiens que la vie spirituelle consiste uniquement dans l’incorruptibilité du soi, qui est éternel; qu elle est l’harmonie entre la raison et l’amour. Cela, c’est la Vérité absolue, inconditionnée, la Vérité qui est la Vie elle-même. je veux donc délivrer l’homme, et qu’il se réjouisse comme un oiseau dans le ciel clair, sans fardeau, indépendant, extatique au milieu de cette liberté. Et moi, pour qui vous avez tout préparé pendant ces dix-huit ans, je vous dis qu’il faut vous affranchir de toutes ces choses, de toutes vos complications, de tout vos empêtrements.

Et pour cela, vous n’avez nul besoin d’une organisation basée sur une croyance d’ordre spirituel.

A quoi bon une organisation pour cinq ou dix personnes dans le monde, pour cinq ou dix personnes qui comprennent, qui luttent, qui ont rejeté toutes les mesquineries? Et quant aux faibles, aucune organisation ne peut les aider à trouver la Vérité, il faut qu’ils la trouvent en eux: elle n’est ni loin ni près ; elle est éternellement là.

Encore une fois, aucune organisation ne peut nous rendre libres. Rien, ni personne, du dehors, n’en est capable: vous n’y parviendrez ni par un culte officiel, ni par l’immolation de vous-mêmes pour une cause quelconque, ni par l’accomplissement d’aucune oeuvre.

Vous employez une machine à écrire pour votre correspondance, mais il ne vous vient pas à l’esprit de la mettre sur un autel pour l’adorer.

Eh bien; c’est cela que vous faites lorsqu’une organisation devient par elle-même votre principal intérêt.

–  » Combien de membres contient votre ordre? « 

Voilà la première question que me posent les reporters.

–  » Combien de personnes vous suivent ? Par leur nombre, nous jugerons si ce que vous dites est vrai ou faux. « 

Je ne sais pas combien ils sont ; je ne m’occupe pas de cela.

Comme je l’ai dit, s’il y avait un seul homme délivré, ce serait assez.

Vous gardez l’idée que seules certaines personnes détiennent la clef du Royaume du Bonheur.

Mais personne ne la détient.

Personne n’en a l’autorité.

Cette clef se trouve dans votre propre moi, et c’est seulement dans le développement, dans la purification et dans l’incorruptibilité de ce moi, que réside le Royaume de l’Eternité.

Ainsi vous verrez combien est absurde tout cet édifice que vous avez construit en cherchant une aide extérieure, et faisant ainsi dépendre des autres ce confort, ce bonheur, et cette force que vous ne pouvez trouver qu’en vous mêmes.

Donc à quoi bon une organisation ?

Vous êtes habitués à ce que l’on vous dise combien vous êtes avancés, quel est votre degré spirituel.

Que c’est puéril !

Sinon vous, qui donc peut vous dire si vous êtes beau ou laid intérieurement ?

Si vous êtes incorruptible?

Allons, ce n’est pas sérieux.

A quoi bon une organisation?

Mais ceux qui vraiment désirent comprendre, qui s’efforcent de trouver ce qui est éternel, sans commencement ni fin, ceux-là marcheront ensemble avec une plus grande ardeur, une plus grande intensité, et seront un danger pour tout ce qui n’est pas essentiel, pour les irréalités, pour les ombres.

Et ils se concentreront. Ils deviendront la flamme, parce qu’ils auront compris.

C’est ce corps qu’il nous faut créer, et tel est mon dessein. A cause de cette vraie compréhension, il y aura la vraie amitié.

A cause de cette amitié, que vous ne semblez pas connaître, il y aura la vraie coopération de la part de chacun.

Et cela, non pas à cause d’une autorité, ni à cause d’un salut, ni à cause d’une immolation pour un idéal, mais parce que vous aurez vraiment compris, et que, par conséquent, vous serez capable de vivre dans l’éternel.

C’est là une plus grande chose que tous les plaisirs, que tous les sacrifices.

Voilà donc quelques-unes des raisons qui m’ont fait prendre cette décision, après deux années d’un examen attentif.

Ce n’est pas à la suite d’une impulsion momentanée. je n’ai été persuadé par personne, je ne me laisse pas persuader en de telles circonstances.

Pendant deux ans je n’ai pensé qu’à cela, avec soin, avec patience, et j’ai décidé de dissoudre l’Ordre, puisque je me trouve en être le Chef.

Vous pouvez former de nouvelles organisations et attendre quelqu’un d’autre ; je ne m’en occuperai pas, je ne veux pas créer de nouvelles cages, ni de nouvelles décorations pour ces cages.

Mon seul souci est de délivrer les hommes, de les rendre libres, libres d’une façon inconditionnelle, absolue…

Le « mécontentement divin » (1)

Le mécontentement divin est de nature spirituelle. Nous atteignons un point d’ « insatisfaction », une soif que seule la Vérité pourra étancher … Souvent dévié ou étouffé, le mécontentement est une aspiration profonde qui entre en résonnance, en astrologie, avec les principes planétaires d’Uranus, de Neptune, de Pluton. Dans un thème natal, les aspects, et notamment les conjonctions, les carrés et les oppositions de l’une de ces trois planètes à une planète individuelle, ou bien à l’Ascendant, parlent du mécontentement divin.

« La colère de Dieu se révèle du ciel

contre toute impiété et toute injustice des hommes

qui retiennent injustement la vérité captive (…) » (La Bible, Romains)

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Nous pouvons en effet atteindre une réussite et un bonheur selon les critères sociaux, les valeurs familiales, culturelles, et pourtant surgit ou persiste le « mécontentement divin ». Tout le monde est potentiellement concerné par ce mécontentement. Toutefois, sur le plan astrologique, on pourra insister plus particulièrement sur le vécu des natifs ayant un Soleil en Scorpion, en Verseau ou en Poissons. En effet, dans ces signes gouvernés par les planètes transsaturniennes Pluton, Uranus et Neptune, l’adaptation aux standards familiaux, sociaux est souvent plus difficile. Ces natifs peuvent connaître plus que d’autres un mal-être diffus, plus ou moins perceptible, des crises diverses, ou même paraître en échec, là où d’autres personnes évoluent sans difficulté.

Sur le plan social, les plus adaptés incarnent la réussite et la force. Toutefois, sur le plan de l’évolution spirituelle, ces valeurs n’ont pas cours, et la « difficulté », l’ « inadaptation » sont plutôt un signe de mécontentement divin …

Le mécontentement n’est pas une hargne ou une colère. La colère conforte notre ego qui s’oppose à un adversaire, comme l’a explicité Krishnamurti* : « Nous cherchons par tous les moyens à affirmer notre personnalité, et la colère, comme la haine, est un des moyens les plus faciles. » « La colère que font naître la déception, la jalousie, le besoin de blesser, procure un soulagement agréable dans la mesure où elle est une justification de soi. Nous condamnons les autres, et cette condamnation nous justifie à nos yeux. »

Au contraire, Krishnamurti* incite au mécontentement qui est un fil de l’évolution : « N’ayez pas peur du mécontentement, mais nourrissez-le jusqu’à ce que l’étincelle devienne une flamme et que vous soyez perpétuellement mécontent de tout – de votre travail, de votre famille, de la traditionnelle course à l’argent, à la situation, au pouvoir – de sorte que vous vous mettiez vraiment à penser, à découvrir. »;  « Or, voyez-vous, sans cette flamme du mécontentement, vous n’aurez jamais l’initiative qui est le commencement de la créativité. Pour découvrir la vérité, vous devez être en révolte contre l’ordre établi. »

A certains moments, nous perdons certainement le contact avec notre âme. Il y a alors crise et mal-être, mais ceci peut être créateur, si nous nous intériorisons au lieu de chercher le divertissement à l’extérieur. Ce piège, Kishnamurti le souligne : « Quand vous êtes mécontent, vous allumez la radio, vous allez voir un gourou, vous récitez la puja, vous vous inscrivez à un club, vous buvez, vous courez les femmes – tout est bon pour étouffer la flamme. »  David Pond*, se référant au sage Yogananda, dit que la plupart de nos souffrances viennent de la séparation d’avec Dieu. « Le désir est orienté sur la connexion divine, mais nous croyons souvent que quelque chose d’autre manque dans notre vie. Il s’agit là de mécontentement divin, c’est-à-dire d’une fausse quête qui nous amène à chercher quelque chose que notre vie moderne ne peut nous procurer. La prochaine fois que vous serez déprimé, songez à ce principe du mécontentement divin et essayez de voir si la quête de votre source spirituelle ne représenterait pas la solution. »

Ceux qui sont engagés dans une voie spirituelle connaissent le mécontentement divin. Michael Roads* assure pourtant qu’il est une sorte d’exigence, et un aiguillon :

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« Le mécontentement divin est une expérience que beaucoup de gens rencontrent sur leur chemin spirituel. Certains chercheurs changent de chemin, n’aimant pas la sensation, croyant que cela indique qu’ils sont sur la mauvaise voie. Il n’en est pas nécessairement ainsi. Ce que j’appelle le mécontentement divin est l’expérience de n’accepter rien moins que la Vérité. Le Soi ne va jamais se sentir satisfait par la controverse spirituelle, seuls l’Amour/Vérité vont nourrir l’âme. Le mécontentement divin ne signifie pas que vous deviez changer votre chemin, cela veut dire que vous progressez bien. Nourrissez-vous d’énergie positive en … choisissant l’Amour en conscience ! »

 

En astrologie, les planètes transsaturniennes Uranus, Neptune, Pluton indiquent dans notre thème un secteur de crise, mais nous offrent des opportunités de transcendance. Nous pouvons également -en fonction des transits de ces planètes- vivre un état critique ou des bouleversements qui sont une certaine manifestation du mécontentement divin. Selon les critères de la personnalité, ce sont des périodes difficiles, avec peut-être des échecs. Cependant, il s’agit aussi de phases de transition. Un processus d’évolution, de croissance est enclenché dans la personnalité. Les crises dans la société ne sont pas autre chose d’ailleurs : des phases de transformation …

Pour Alexander Ruperti, Uranus est la planète du « mécontentement divin ». Peut-être peut-on y voir une référence mythologique quand Ouranos, trouvant ses enfants trop laids, les rejette … Il est le symbole de l’Idée, de l’archétype, parfait et immatériel. Uranus en transit -et dans son lieu natal-, quelles que soient les circonstances vécues, recherche un changement intérieur profond, un dépassement de nos sécurités et de nos limitations, et un changement dans notre rapport au monde.

De même, Neptune en aspect avec une planète personnelle, comme le Soleil, la Lune, Mercure, Vénus, Mars, surtout la conjonction, le carré, ou l’opposition, est souvent présent dans les thèmes de spiritualistes, a remarqué Stephen Arroyo*. Les aspects dits négatifs évoquent en effet des difficultés, une quête inassouvie, et la recherche d’un idéal hors de notre portée. C’est le mécontentement divin, car nous sommes en état de crise, et connectés avec des énergies invisibles, immatérielles. Stephen Arroyo préconise de ne pas chercher à l’extérieur, de ne pas chercher la perfection. Il s’agit de « se couper des images de la perfection », qui sont encore une autre forme de fuite, une distraction : en s’intériorisant, on peut contacter la créativité pour vivre l’idéal, lui donner une réalité.

Pluton, à travers des changements parfois bouleversants et drastiques, implique une profonde régénération. Il fait renoncer à ce qui est superflu à l’être essentiel. On retire de ces crises une forme de conscience, une vérité.

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Le mécontentement, dit Krishnamurti, est à l’origine de l’initiative authentique et de la créativité : « Avez-vous idée de ce qu’est l’initiative ? Vous prenez l’initiative lorsque vous mettez en route, que vous démarrez quelque chose sans qu’on vous y incite ; le geste n’est pas forcément très grand ni très spectaculaire – cela peut venir par la suite – mais l’étincelle d’initiative est là quand vous plantez un arbre par vos propres moyens, quand vous êtes spontanément bon, que vous souriez à un homme qui porte une lourde charge, quand vous ôtez une pierre du sentier, ou que vous flattez un animal en chemin. C’est le modeste début de la formidable initiative que vous devez prendre si vous voulez connaître cette chose extraordinaire qu’on appelle la créativité. La créativité prend sa source dans l’initiative, qui ne naît qu’en présence d’un mécontentement profond. »

« Si vous pouvez être en révolte tandis que vous êtes jeunes, et en vieillissant nourrir votre mécontentement de toute la vitalité de la joie et d’une immense affection, alors cette flamme du mécontentement aura une portée extraordinaire, car elle bâtira, elle créera, elle fera naître des choses nouvelles. Mais il faut pour cela que vous receviez une éducation adéquate, qui n’est pas celle qui vous prépare simplement à décrocher un emploi ou à gravir l’échelle du succès, mais une éducation qui vous aide à penser et qui vous donne de l’espace – pas sous forme d’une chambre plus vaste ou d’un toit plus haut, mais un espace où votre esprit puisse croître sans être entravé par une quelconque croyance ni une quelconque peur. »

Anne L jesuisjecree.com

*Commentaires sur la vie, Krishnamurti

Le sens du bonheur, Krishnamurti

Les chakras pour débutants : un guide pour équilibrer l’énergie de vos chakras, David Pond

Paroles de sagesse d’un mystique moderne, Michael Roads

Astrologie, Karma et transformation, Stephen Arroyo

Jean Rochefort

Une certaine émotion, une gratitude s’élèvent alors que nous apprenons le décès de Jean Rochefort. C’est un comédien, mais aussi une façon d’être qui sont salués. J’étudierai par le biais de l’astrologie le personnage social de Jean Rochefort, révélé par son thème natal.

En effet, un thème natal n’est pas absolument individuel. Plusieurs êtres humains naissent avec le même thème natal, et chacun individualise les principes planétaires …  Jean Rochefort, certainement, a joué, interprété avec grâce le sien.

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Jean Rochefort, 29 avril 1930, 11H00, Paris.

Le Soleil en maison X est le maître de l’Ascendant Lion, et il indique une générosité. Le Lion et la maison X montrent aussi l’ambition, la célébrité. Ils assurent un rayonnement social. Le Lion et le Soleil indiquent toujours un prestige, de quelque nature qu’il soit : Jean Rochefort a exprimé son Soleil en diffusant dans la sphère collective une élégance.

Le signe du Taureau, où sont situées les maisons collectives X et XI, est mis en valeur puisque quatre planètes individuelles l’habitent. La stabilité de la carrière et un enrichissement matériel sont soulignés. Le signe du Taureau indique aussi, dans le cas de Jean Rochefort, un enracinement d’une autre sorte : il s’agit de son goût pour la nature, la campagne, les chevaux. Cet enracinement est d’ailleurs confirmé par la présence des noeuds lunaires sur l’axe IV-X, un chemin de vie associant un besoin de bases solides, signifié par le noeud sud en IV, et l’importance d’une carrière, avec le noeud nord en maison X.

La prédominance du Taureau correspond également au sens artistique du comédien.

La personnalité sociale marquée par le Taureau aussi apparaît tranquille,; elle dégage une force, une sérénité. Deux autres planètes déploient leurs valeurs positives dans ce signe : la Lune est exaltée en Taureau, et Vénus est en domicile. Ces principes signent notamment la grande popularité. Avec le Soleil qui rayonne, la Lune empathique comprend et nourrit les gens, Vénus charme et entre en sympathie … Ces principes planétaires confirment aussi une identité de “bon vivant”, épicurien, stoïque.

 Les deux trigones que le Soleil reçoit de Saturne et Neptune signifient une carrière et une popularité solides. En effet, Saturne assure une longévité, le rayonnement se fortifiant avec le temps : Jean Rochefort n’a pas connu le destin des comédiens dont l’image est peu à peu oubliée, ou un peu démodée. Saturne apporte aussi une sobriété à l’expression du Soleil, maître du Lion à l’Ascendant, en maison X, qui sont des valeurs particulièrement extériorisées. Saturne donne de la maîtrise, et évite d’ « en faire trop ».

On peut remarquer dans une optique de morpho-psychologie basée sur l’astrologie que le trigone de Saturne signe le visage allongé et l’expression grave du visage de Jean Rochefort.

Le trigone de Neptune raffine l’expression du Soleil. Il accentue la générosité, la sensibilité et le sens artistique.

Dans l’ensemble, Saturne et Neptune intériorisent l’expression du Soleil en maison X, apportant une profondeur (Saturne), et une subtilité (Neptune).

« J’ai le respect de l’incongru.

Et ce goût pour la culture classique, qui me donne une austérité de fonctionnaire.

Vous mélangez ça, ça donne un acteur plausible. » Jean Rochefort à L’Express

 La conjonction Mercure-Vénus en Taureau associe la communication et le charme, dans le signe de la gorge et de la voix : elle se rapporte (entre autres) au grain de voix et  à la diction de Jean Rochefort, qui a exercé aussi ses talents de conteur -en voix off, ou comme narrateur de certains films et histoires pour les enfants.

Le personnage social de Jean Rochefort est aussi marqué par la planète la plus proche du Milieu-du-Ciel : Uranus, en Bélier. Uranus n’indique pas seulement une carrière dans le cinéma, mais il est aussi personnalisée, apportant une touche originale, celle de l’“électron libre” (certes relative, dans le cadre d’une carrière solide, de type Soleil-Taureau-Noeud nord en X).

Par ailleurs, la présence du Soleil et d’Uranus en maison X juxtapose deux valeurs symboliques opposées – le Soleil et Uranus sont en effet les maîtres de deux signes en axe, le Lion et le Verseau. Alors, Jean Rochefort fait l’unanimité avec son Soleil;  il est un “héros” (solaire) parce qu’il est très apprécié. Cependant, il est aussi une figure de l’ “anti-héros”. Cette association Soleil-Uranus explique le sens de l’autodérision de Jean Rochefort, car Uranus brise les valeurs du Soleil, le “moi” dans sa gloire, l’idéal du moi, le Soleil étant d’ailleurs situé au sommet, au Milieu-du-Ciel !

On remarque qu’Uranus est maître de la maison VII, et symbolise donc dans le thème de Jean Rochefort le rapport à l’autre, tandis que le Soleil est le maître de l’Ascendant, symbolisant le « moi ». Ainsi, Jean Rochefort a développé, dans ses relations cet humour, dirigé vers lui-même. L’autodérision, c’est le fait de ramener sa propre personne à une insignifiance. Quelle intelligence ! C’est l’individu qui ne se prend pas au sérieux … 

 Cette position planétaire rappelle aussi quelques rôles de Jean Rochefort, par exemple ceux qu’il a joués dans les films d’Yves Robert, des anti-héros, comme le Parisien ou le Français moyen, ou encore … les seconds rôles, car Jean Rochefort appartient à cette catégorie d’acteurs abonnés aux seconds rôles. La « vedette » est réservée (symboliquement) au Soleil; Uranus, lui, se distingue, se démarque …

  

Au-delà des considérations extérieures, la carrière, la célébrité, le style, chacun exprime des qualités. Les personnes publiques rayonnent d’ailleurs des énergies dans la sphère collective. Jean Rochefort a exprimé avec beaucoup de classe une originalité, une forme de liberté.

Dans son thème, le signe du Scorpion en maison IV, la base profonde, indique quelques angoisses et une lucidité sur lui-même, sur l’être humain, sur la vie, la mort, qui a sans doute produit cette originalité et cette autodérision qui nous semblent si naturelles. Les regrets exprimés pour sa disparition ont quelque chose à voir avec cette façon d’être, qui est un don immatériel.

Anne L jesuisjecree.com

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Une amitié neptunienne : Montaigne et La Boétie

La synastrie est une comparaison de thèmes natals en astrologie; elle nous éclaire sur la relation entre deux individus. Celle de Michel de Montaigne et d’Etienne de la Boétie nous permet de mieux comprendre leur singulière et mythique amitié.

L’amitié est un sentiment philanthropique, un amour désintéressé de l’autre en tant qu’être humain, à qui l’on veut du bien. C’est une relation hors les liens du sang, hors l’attachement (a priori). Elle s’appuie souvent sur des affinités, sur des valeurs communes, mais aussi sur la confiance, la fidélité, le respect … En astrologie, c’est -vous le savez- le Verseau, la maison XI et Uranus qui sont en correspondance avec cette expérience unique de partage.

On ne peut pas parler d’amitié sans penser aux emblématiques Montaigne et La Boétie, une référence de la culture française, en tout cas : dans les Essais, Montaigne décrit en effet une véritable amitié, qu’il distingue des sympathies superficielles, intéressées, et une relation absolument exceptionnelle :

« Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu’en répondant : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »

« Il y a, au-delà de tout mon discours, et de ce que j’en puis dire particulièrement, ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous oyions l’un de l’autre, qui faisaient en notre affection plus d’effort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel ; nous nous embrassions par nos noms. »

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Michel de Montaigne, 28 février 1533, 11H30, Château de Saint Michel de Montaigne (calendrier julien)

En effet, il y a « quelque ordonnance du ciel », et … dans le ciel. Montaigne ressent bien le principe planétaire en jeu dans cette relation : Neptune.

L’amitié entre Montaigne et La Boétie dure de 1558 à 1563, jusqu’à la mort de son ami. On peut remarquer, dans le thème de Montaigne que Mars, le maître de la maison XI (l’ami), est situé en maison VIII, conjoint à Pluton (la mort, les deuils). Cette conjonction est d’ailleurs au carré de la Lune, maîtresse de l’Ascendant (le moi), et située en maison XI (les amis) ! Ainsi, cette perte amicale était inscrite comme une potentialité dans le thème natal de Montaigne …

La synastrie révèle deux Soleils en signes d’eau, en trigone : les Poissons pour Montaigne, et le Scorpion pour La Boétie. Dans ces deux signes des profondeurs, le rapport n’est pas intellectuel, mais psychique, émotionnel, intense, mystérieux, avec une part inconsciente qui est soulignée. Ces signes favorisent ce sentiment magique de sublime fatalité et de merveilleuse prédestination que décrit Montaigne… Rien n’interdit de penser qu’il s’agit de retrouvailles d’âmes soeurs, par ailleurs.

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Etienne de La Boétie, 1er novembre 1530, Sarlat (heure inconnue)

Le contact de base entre les deux thèmes est en réalité bien plus exceptionnel que les deux Soleils en trigone, et il explique le coup de foudre amical lors de la rencontre : la conjonction Soleil-Neptune en Poissons, dans le thème de Montaigne, est en conjonction avec la conjonction Lune-Neptune dans le thème de la Boétie !

Dans le signe des Poissons, avec Neptune, et l’union du Soleil et de la Lune, qui sont les principes masculin et féminin universels, on peut sans hésitation parler d’une amitié fusionnelle. Cette nouvelle citation de Montaigne illustre encore cette allégation :

« Ce n’est pas une spéciale considération, ni deux, ni trois, ni quatre, ni mille : c’est je ne sais quelle quintessence de tout ce mélange, qui ayant saisi toute ma volonté, l’amena se plonger et se perdre dans la sienne ; qui, ayant saisi toute sa volonté, l’amena se plonger et se perdre en la mienne, d’une faim, d’une concurrence pareille. Je dis perdre, à la vérité, ne nous réservant rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien, ou mien. »

 

Les habituelles limites entre les êtres sont dissoutes dans ce milieu aquatique (le signe des Poissons, et son gouverneur Neptune) pour « se plonger et se perdre » l’un dans l’autre …

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Poséidon-Neptune – crédit photo : Pixabay

Le contact Soleil-Lune évoque une complémentarité parfaite qui est vécue comme une fusion, car les deux principes qui se rencontrent trouvent leur moitié, et les individus se sentent complets. C’est le Yin et le Yang réunis, que Neptune fluidifie et unifie par une sorte d’opération alchimique … Il explique l’enchantement que Montaigne décrit, qui est la contemplation mystique de l’Etre et de l’Unité. L’amitié est ressentie et vécue comme une expérience spirituelle.

Neptune indique aussi une exceptionnelle compréhension intuitive, d’âme à âme, entre les deux amis qui étaient sensibilisés pour vivre ce genre d’expérience, puisque chacun disposait déjà, dans son thème natal, d’une conjonction entre un Luminaire et Neptune, dans le signe des Poissons. Ces aspects natals indiquent une propension à une forme ou une autre de communion. Sous le charme neptunien, les limites et les aspérités des deux ego disparaissent, et les occasions de querelle sont largement atténuées, donnant d’abord à la rencontre quelque chose d’irréel, et prolongeant la relation dans l’idéalisation réciproque.

De plus, avec Neptune, le coeur intervient dans la relation, selon le niveau de conscience des natifs : il s’agit d’un amour-compassion, inconditionnel, qui dépasse les sentiments plus courants, basés sur les intérêts de deux ego. Neptune exprime aussi le don de soi, comme Montaigne le décrit ici : « Chacun se donne si entier à son ami qu’il ne lui reste rien à départir ailleurs ».

On sait que la mort de La Boétie fut pour Montaigne une profonde perte, et qu’il a expérimenté l’absence de l’autre, irremplaçable.

 

 

Il est fort probable que, sur le plan psychologique, aussi, par le phénomène de la projection, inévitable et confirmé selon le symbolisme astrologique, il se soit développé entre les deux amis un lien de dépendance, comme dans une relation amoureuse passionnelle.

Cependant, cet interaspect me suggère de ne pas faire intervenir l’analyse pour dire quelles projections psychologiques sont en jeu, ni surtout prétendre élucider le rapport entre ces deux hommes, car dans les Poissons et avec Neptune notamment, tout n’est pas explicable. Quelque chose en fait reste inaccessible à l’esprit analytique; l’outil employé (en l’occurrence le mental analytique) conditionnant toujours le résultat. Or, l’intellect est limité. Le contact de base que nous venons d’observer marque le lien entre les deux individus d’un sceau mystérieux, irrationnel, qui échappe aux analyses. Montaigne ne peut l’exprimer non plus avec des mots …

Voyons les autres interaspects, qui apportent de l’agrément, des affinités intellectuelles, du sérieux aussi :

On remarque une conjonction Vénus-Jupiter en Sagittaire : outre le côté généreux et joyeux des deux planètes et du signe, cette conjonction a favorisé la vie sociale des deux amis, les affinités intellectuelles, philosophiques. Jupiter (Montaigne) joue un rôle bienveillant et protecteur à l’égard de Vénus (La Boétie), les deux amis partageant des valeurs communes. Il y a d’ailleurs réciprocité dans ce rôle jupitérien de protection, car Vénus en Verseau chez Montaigne est au trigone de Saturne et de Jupiter, déjà en trigone dans le thème de La Boétie (Gémeaux-Balance), les interaspects créant un grand trigone : l’attitude protectrice de La Boétie est appuyée et plus rigoureuse : avec Saturne, c’est la dimension de mentor qui ressort, surtout sur un plan intellectuel et social, La Boétie jouant le rôle de l’aîné (ce qu’il était réellement), mature et solide, qui inspire confiance par ses connaissances, sa sagesse, sa profondeur, son sérieux et son éthique. Cet interaspect diminue l’idéalisation dans la relation qu’il solidifie sur un plan plus concret.

Mercure en Verseau dans le thème de Montaigne complète le sextile Vénus-Mars de La Boétie (Sagittaire-Balance), pour former un triangle mineur. Il indique le plaisir et la stimulation intellectuels, la considération dans la communication, et sa vivacité.

Le sextile entre la Lune de Montaigne et Uranus dans le thème de La Boétie signifie bien l’amitié, puisqu’Uranus, comme maître du Verseau, en est le symbole. Son contact avec la Lune (le plan émotionnel) appuie encore l’idée d’une relation intime, d’une complicité plus vivante qu’une amitié purement intellectuelle : la relation est intéressante et originale. Il n’y a pas d’ennui puisque la Lune apporte son imagination, une inspiration et une sensibilité, et Uranus la fait vibrer dans des sphères où, tout en étant liés, on reste libres, indépendants. On s’apprécie sincèrement de façon désintéressée, sans possessivité, ni sentiment d’y être obligé.

La conjonction Mars-Pluton de Montaigne est au sextile du Mercure en Sagittaire de son ami : cet aspect dynamise la communication. Avec Pluton (en maison VIII), l’échange s’approfondit pour aborder des sujets plus secrets et intimes, pour échanger quelques intuitions profondes sur la vie, la mort, l’au-delà (etc.) C’est sans doute cet aspect Mercure/Mars-Pluton qui a débridé immédiatement la communication entre les deux hommes, et qui a donné à Montaigne cette impression a posteriori (apparemment), que ce qui a intensifié leur relation, c’est l’urgence, l’intuition du temps qui était compté avant la mort de La Boétie :

« Ayant si peu à durer, et ayant si tard commencé, car nous étions tous deux hommes faits, et lui plus de quelques années, elle n’avait point à perdre de temps et à se régler au patron des amitiés molles et régulières, auxquelles il faut tant de précautions de longue et préalable conversation. »

Cette synastrie n’est pas complète; seules les grandes lignes ont été commentées. On voit comme Montaigne a fait une expérience neptunienne, en vivant une relation fusionnelle. Elle a aussi induit un état de conscience dans lequel les âmes se touchent, et il n’y a plus de séparation. Dans l’optique neptunienne, la mort de l’objet aimé n’en est pas davantage une.

Anne L jesuisjecree.com

 

 

Quelques écrits d’astromancie (l’ancêtre de l’astrologie)

Considérée comme la plus ancienne des sciences naturelles, l‘astronomie originelle n’était pas une science distincte de l’astrologie. Son origine remonte non à l’antiquité, mais à la préhistoire ! Elle semble aussi vieille que le monde, aussi ancienne que l’interrogation métaphysique de l’être humain et son besoin de connaître l’avenir…

Aux sources de l’astrologie moderne, se pratiquait une sorte d’astromancie, une divination basée sur l’observation du ciel. Il n’était alors pas question d’horoscope ni de Zodiaque. Ceux-ci sont apparus lorsque l’astronomie a abandonné son système horizontal, basé sur une vision de la terre plate, au profit d’une vision sphérique.

C’est donc à partir du Vème siècle avant J-C., qu’apparurent progressivement le Zodiaque, les douze signes, les douze maisons. Ainsi est née l’astrologie moderne que nous connaissons.

L’ancêtre de l’astrologie était avant tout préoccupée par la divination du futur. Les phénomènes météorologiques ou astronomiques étaient observés pour établir les oracles. En outre, cette divination par les astres ne s’appliquait jamais à l’individu, mais à l’ensemble d’un pays, parfois à son gouvernant, mais uniquement comme représentant de son peuple. 

Les écrits qui attestent de l’existence de l’astromancie sont, par exemple, des textes cunéiformes mésopotamiens datant du VIIème siècle avant J-C., ou encore un long poème du Grec Hésiode de la fin du VIIIème siècle avant J-C :

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La première collection d’augures se nomme Anu Enlil et Ea, car les premiers mots du texte sont : « Lorsqu’ Anu Enlil et Ea, les dieux suprêmes, rassemblèrent selon leur décision tous les augures des cieux et du ciel (…) »

 En voici quelques extraits :

« Au mois d’Ululu, le 26ème jour, Vénus a disparu à l’Ouest ; elle sera absente des cieux durant onze jours et le septième jour du mois d’Ululu II, elle réapparaîtra à l’est. Le cœur de la Terre se réjouira.

Au mois de Duzu, le 25ème jour, Vénus a disparu à l’ouest ; elle sera absente des cieux durant sept jours. Le deuxième jour du mois d’Abu, Vénus réapparaîtra à l’est. Inondation des terres, la famine approche. »

Les phénomènes visuels revêtaient une importance capitale, telles la couleur de Mars, plus ou moins rouge, ou la présence d’un halo autour de la Lune, par exemple.

« Si la Lune est visible le 15ème jour : bon présage pour Akkad, mauvais pour Shubarta.

Si la Lune est visible le 16ème jour : mauvais présage pour Akkad et Amurra, bon pour Shubarta.

Si la Lune est visible le 17ème jour : bon présage pour Akkad et Amurra, mauvais pour Shubarta.

Si la Lune est visible avec le Soleil en dehors du moment normal, un puissant ennemi conquerra le pays : le roi d’Akkad sera vaincu par son ennemi. »

 

« Si un halo entoure la Lune et que Mars le touche : troupeaux décimés, déclin d’Amurra.

Si un halo entoure la Lune et que Jupiter se trouve à l’intérieur : le roi d’Akkad sera assiégé et le bétail mourra dans la campagne. »

Deux aspects planétaires sont présentés dans l’extrait précédent, une conjonction Lune-Mars, et une conjonction Lune-Jupiter. Le halo entourant la Lune semble déterminant pour l’interprétation … En outre, cette interprétation est assez sévère. Aurions-nous gagné en optimisme au fil des siècles ?

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Le poète grec Hésiode a vécu entre le VIIIème et le VIIème siècle avant J-C. Dans Les Travaux et les Jours, un almanach, il écrit des conseils pratiques destinés aux paysans et aux pêcheurs. Ceux-ci sont basés sur l’observation de certaines étoiles et de certaines constellations :

« Lorsque les Pléiades, filles d’Atlas, apparaissent dans les cieux,

préparez-vous pour la moisson, et quand elles se couchent, soyez prêts

à labourer. Et quand le farfadet commence à grimper aux tiges,

craignant les Pléiades, il n’est plus temps de biner la vigne. Quand Orion

et Sirius atteignent le milieu des cieux, et quand la lumière d’Arcturus est

aperçue par l’Aube aux doigts roses, cueillez toutes les grappes,

Perses, et rapportez-les à la maison. »

L’astrologie a peu à peu abandonné l’observation directe du ciel et de l’apparence que prennent passagèrement les luminaires et les planètes dans le ciel. Nombre d’astrologues plongés dans leurs logiciels d’astrologie ne lèvent plus le nez vers le ciel étoilé, ni ne s’émeuvent de « l’Aube aux doigts roses » … 🙂

Anne L jesuisjecree.com