JE SUIS, JE CREE. Astrologie & développement personnel

Une amitié neptunienne : Montaigne et La Boétie

La synastrie est une comparaison de thèmes natals en astrologie; elle nous éclaire sur la relation entre deux individus. Celle de Michel de Montaigne et d’Etienne de la Boétie nous permet de mieux comprendre leur singulière et mythique amitié.

L’amitié est un sentiment philanthropique, un amour désintéressé de l’autre en tant qu’être humain, à qui l’on veut du bien. C’est une relation hors les liens du sang, hors l’attachement (a priori). Elle s’appuie souvent sur des affinités, sur des valeurs communes, mais aussi sur la confiance, la fidélité, le respect … En astrologie, c’est -vous le savez- le Verseau, la maison XI et Uranus qui sont en correspondance avec cette expérience unique de partage.

On ne peut pas parler d’amitié sans penser aux emblématiques Montaigne et La Boétie, une référence de la culture française, en tout cas : dans les Essais, Montaigne décrit en effet une véritable amitié, qu’il distingue des sympathies superficielles, intéressées, et une relation absolument exceptionnelle :

« Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu’en répondant : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »

« Il y a, au-delà de tout mon discours, et de ce que j’en puis dire particulièrement, ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous oyions l’un de l’autre, qui faisaient en notre affection plus d’effort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel ; nous nous embrassions par nos noms. »

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Michel de Montaigne, 28 février 1533, 11H30, Château de Saint Michel de Montaigne (calendrier julien)

En effet, il y a « quelque ordonnance du ciel », et … dans le ciel. Montaigne ressent bien le principe planétaire en jeu dans cette relation : Neptune.

L’amitié entre Montaigne et La Boétie dure de 1558 à 1563, jusqu’à la mort de son ami. On peut remarquer, dans le thème de Montaigne que Mars, le maître de la maison XI (l’ami), est situé en maison VIII, conjoint à Pluton (la mort, les deuils). Cette conjonction est d’ailleurs au carré de la Lune, maîtresse de l’Ascendant (le moi), et située en maison XI (les amis) ! Ainsi, cette perte amicale était inscrite comme une potentialité dans le thème natal de Montaigne …

La synastrie révèle deux Soleils en signes d’eau, en trigone : les Poissons pour Montaigne, et le Scorpion pour La Boétie. Dans ces deux signes des profondeurs, le rapport n’est pas intellectuel, mais psychique, émotionnel, intense, mystérieux, avec une part inconsciente qui est soulignée. Ces signes favorisent ce sentiment magique de sublime fatalité et de merveilleuse prédestination que décrit Montaigne… Rien n’interdit de penser qu’il s’agit de retrouvailles d’âmes soeurs, par ailleurs.

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Etienne de La Boétie, 1er novembre 1530, Sarlat (heure inconnue)

Le contact de base entre les deux thèmes est en réalité bien plus exceptionnel que les deux Soleils en trigone, et il explique le coup de foudre amical lors de la rencontre : la conjonction Soleil-Neptune en Poissons, dans le thème de Montaigne, est en conjonction avec la conjonction Lune-Neptune dans le thème de la Boétie !

Dans le signe des Poissons, avec Neptune, et l’union du Soleil et de la Lune, qui sont les principes masculin et féminin universels, on peut sans hésitation parler d’une amitié fusionnelle. Cette nouvelle citation de Montaigne illustre encore cette allégation :

« Ce n’est pas une spéciale considération, ni deux, ni trois, ni quatre, ni mille : c’est je ne sais quelle quintessence de tout ce mélange, qui ayant saisi toute ma volonté, l’amena se plonger et se perdre dans la sienne ; qui, ayant saisi toute sa volonté, l’amena se plonger et se perdre en la mienne, d’une faim, d’une concurrence pareille. Je dis perdre, à la vérité, ne nous réservant rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien, ou mien. »

 

Les habituelles limites entre les êtres sont dissoutes dans ce milieu aquatique (le signe des Poissons, et son gouverneur Neptune) pour « se plonger et se perdre » l’un dans l’autre …

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Poséidon-Neptune – crédit photo : Pixabay

Le contact Soleil-Lune évoque une complémentarité parfaite qui est vécue comme une fusion, car les deux principes qui se rencontrent trouvent leur moitié, et les individus se sentent complets. C’est le Yin et le Yang réunis, que Neptune fluidifie et unifie par une sorte d’opération alchimique … Il explique l’enchantement que Montaigne décrit, qui est la contemplation mystique de l’Etre et de l’Unité. L’amitié est ressentie et vécue comme une expérience spirituelle.

Neptune indique aussi une exceptionnelle compréhension intuitive, d’âme à âme, entre les deux amis qui étaient sensibilisés pour vivre ce genre d’expérience, puisque chacun disposait déjà, dans son thème natal, d’une conjonction entre un Luminaire et Neptune, dans le signe des Poissons. Ces aspects natals indiquent une propension à une forme ou une autre de communion. Sous le charme neptunien, les limites et les aspérités des deux ego disparaissent, et les occasions de querelle sont largement atténuées, donnant d’abord à la rencontre quelque chose d’irréel, et prolongeant la relation dans l’idéalisation réciproque.

De plus, avec Neptune, le coeur intervient dans la relation, selon le niveau de conscience des natifs : il s’agit d’un amour-compassion, inconditionnel, qui dépasse les sentiments plus courants, basés sur les intérêts de deux ego. Neptune exprime aussi le don de soi, comme Montaigne le décrit ici : « Chacun se donne si entier à son ami qu’il ne lui reste rien à départir ailleurs ».

On sait que la mort de La Boétie fut pour Montaigne une profonde perte, et qu’il a expérimenté l’absence de l’autre, irremplaçable.

 

 

Il est fort probable que, sur le plan psychologique, aussi, par le phénomène de la projection, inévitable et confirmé selon le symbolisme astrologique, il se soit développé entre les deux amis un lien de dépendance, comme dans une relation amoureuse passionnelle.

Cependant, cet interaspect me suggère de ne pas faire intervenir l’analyse pour dire quelles projections psychologiques sont en jeu, ni surtout prétendre élucider le rapport entre ces deux hommes, car dans les Poissons et avec Neptune notamment, tout n’est pas explicable. Quelque chose en fait reste inaccessible à l’esprit analytique; l’outil employé (en l’occurrence le mental analytique) conditionnant toujours le résultat. Or, l’intellect est limité. Le contact de base que nous venons d’observer marque le lien entre les deux individus d’un sceau mystérieux, irrationnel, qui échappe aux analyses. Montaigne ne peut l’exprimer non plus avec des mots …

Voyons les autres interaspects, qui apportent de l’agrément, des affinités intellectuelles, du sérieux aussi :

On remarque une conjonction Vénus-Jupiter en Sagittaire : outre le côté généreux et joyeux des deux planètes et du signe, cette conjonction a favorisé la vie sociale des deux amis, les affinités intellectuelles, philosophiques. Jupiter (Montaigne) joue un rôle bienveillant et protecteur à l’égard de Vénus (La Boétie), les deux amis partageant des valeurs communes. Il y a d’ailleurs réciprocité dans ce rôle jupitérien de protection, car Vénus en Verseau chez Montaigne est au trigone de Saturne et de Jupiter, déjà en trigone dans le thème de La Boétie (Gémeaux-Balance), les interaspects créant un grand trigone : l’attitude protectrice de La Boétie est appuyée et plus rigoureuse : avec Saturne, c’est la dimension de mentor qui ressort, surtout sur un plan intellectuel et social, La Boétie jouant le rôle de l’aîné (ce qu’il était réellement), mature et solide, qui inspire confiance par ses connaissances, sa sagesse, sa profondeur, son sérieux et son éthique. Cet interaspect diminue l’idéalisation dans la relation qu’il solidifie sur un plan plus concret.

Mercure en Verseau dans le thème de Montaigne complète le sextile Vénus-Mars de La Boétie (Sagittaire-Balance), pour former un triangle mineur. Il indique le plaisir et la stimulation intellectuels, la considération dans la communication, et sa vivacité.

Le sextile entre la Lune de Montaigne et Uranus dans le thème de La Boétie signifie bien l’amitié, puisqu’Uranus, comme maître du Verseau, en est le symbole. Son contact avec la Lune (le plan émotionnel) appuie encore l’idée d’une relation intime, d’une complicité plus vivante qu’une amitié purement intellectuelle : la relation est intéressante et originale. Il n’y a pas d’ennui puisque la Lune apporte son imagination, une inspiration et une sensibilité, et Uranus la fait vibrer dans des sphères où, tout en étant liés, on reste libres, indépendants. On s’apprécie sincèrement de façon désintéressée, sans possessivité, ni sentiment d’y être obligé.

La conjonction Mars-Pluton de Montaigne est au sextile du Mercure en Sagittaire de son ami : cet aspect dynamise la communication. Avec Pluton (en maison VIII), l’échange s’approfondit pour aborder des sujets plus secrets et intimes, pour échanger quelques intuitions profondes sur la vie, la mort, l’au-delà (etc.) C’est sans doute cet aspect Mercure/Mars-Pluton qui a débridé immédiatement la communication entre les deux hommes, et qui a donné à Montaigne cette impression a posteriori (apparemment), que ce qui a intensifié leur relation, c’est l’urgence, l’intuition du temps qui était compté avant la mort de La Boétie :

« Ayant si peu à durer, et ayant si tard commencé, car nous étions tous deux hommes faits, et lui plus de quelques années, elle n’avait point à perdre de temps et à se régler au patron des amitiés molles et régulières, auxquelles il faut tant de précautions de longue et préalable conversation. »

Cette synastrie n’est pas complète; seules les grandes lignes ont été commentées. On voit comme Montaigne a fait une expérience neptunienne, en vivant une relation fusionnelle. Elle a aussi induit un état de conscience dans lequel les âmes se touchent, et il n’y a plus de séparation. Dans l’optique neptunienne, la mort de l’objet aimé n’en est pas davantage une.

Anne L jesuisjecree.com