L’automne, Dionysos et le symbolisme du vin

L’automne, saison dédiée à Dionysos chez les Grecs, renvoie au symbolisme de la vigne, des vendanges et du vin …

 -Avant qu’en ce monde il y eût un jardin, une vigne, du raisin –

notre âme était enivrée du vin immortel

(Jelal-ed-Din Rûmi, poète mystique soufi) –

raisin
crédit photo : Pixabay

L’automne, saison des vendanges, nous offre le plaisir de manger du raisin, et d’en faire une cure, car le raisin est un fruit aux propriétés étonnantes …

Le jus de raisin est aussi la base d’une boisson au symbolisme riche : le vin.

La vigne est considérée comme sacrée dans de nombreuses civilisations. Elle est un symbole végétal d’immortalité. En général, on prétend que le vin est le sang de la vigne. Ce rapprochement s’explique par sa couleur rouge, mais aussi par le fait que le vin est l’essence de la plante, ce qui en fait un breuvage de vie, et d’immortalité.

Le symbolisme du vin suggère tout autant l’ivresse profane que l’ivresse mystique; ainsi, il évoque la connaissance et l’initiation. 

Le vin se substitue au sang du dieu, de Dionysos, notamment. Cette signification rituelle est aussi celle que prend l’Eucharistie dans le christianisme.

En outre, le vin, liquide contenant de l’alcool, associe par analogie deux éléments, l’eau et le feu, qui ont pour fonction d’exalter l’âme.

D’ailleurs, dans la mythologie grecque, les vins, les nectars, les hydromels sont d’origine ouranienne, et ils sont liés au feu céleste.

Plus généralement, l’alcool est un symbole de jeunesse et de vie éternelle : c’est l’eau de vie.  Ainsi, le mot « whiskey » en gaélique signifie water of life.

En persan, on dit “mâie-i-shebab”, boisson de jeunesse. Chez les Sumériens, “geshtin” signifie arbre de vie 

Dionysos

Dans la Grèce antique, chaque saison est consacrée à un dieu. Lors des deux équinoxes, notamment en automne, on honore Dionysos, le dieu des vendanges, de la végétation, de la vigne, du vin, des fruits et, plus généralement, du renouveau saisonnier.

Comme génie de la sève et des jeunes pousses, Dionysos est nommé Phallen, dont provient le mot “phallus”. Dionysos préside à la fécondité, à la génération. Compte tenu des symboles qui lui sont attachés, Dionysos est un Feu divin et, si sa mythologie est associée à celle du vin, c’est sans doute parce que le vin est une eau de feu.

On dit notamment du dieu Dionysos qu’il est “deux fois né”, ce qui suggère que Dionysos est un dieu initiateur, le processus de l’initiation comprenant la naissance, la mort, puis une re-naissance.

A ce pouvoir intiatique s’ajoute la force, autre attribut de Dionysos : il est le fils de Zeus et de la mortelle Sémélé (mais aussi de la Terre frappée par la foudre céleste), mais il a achevé sa gestation dans la cuisse du dieu des dieux.

Dionysos a aussi épousé Ariane, la déesse égéenne de la végétation et, en particulier, des arbres. Le couple divin en extase, fréquemment figuré dans les arts dionysiaques, symbolise l’union du dieu et de l’initié à ses mystères.

Le culte de Dionysos est lié à l’affranchissement des interdits et des tabous, au défoulement. Son culte tend en fait à détruire la barrière entre les hommes et les dieux, pour introduire les hommes au monde des dieux.

Dionysos
Dionysos et son thiase (le groupe d’initiés, satyres et ménades), médaillon – vers 480 av. J-C

Malgré son sens profondément sacré, le culte de Dionysos a donné lieu à des perversions. En ce sens, le symbolisme attaché à Dionysos peut suggérer les égarements de l’être humain dans sa recherche métaphysique.

Il évoque l’ivresse, les déchaînements dans les orgies, et la transe mystique.

Il symbolise pour la psychanalyse la rupture des inhibitions, des refoulements, et l’émergence des forces obscures de l’inconscient.  

En somme, il est une force de dissolution de la personnalité, et la force de vie qui surgit hors de toute limite, comme la nature sauvage.

D’un point de vue historique, le culte dionysiaque a contribué à diffuser la notion d’ « âme », forme immatérielle plus proche du divin que le corps physique.

Dionysos veut aussi ouvrir aux hommes l’accès à l’immortalité. Sa mythologie raconte qu’il a libéré sa mère Sémélé des Enfers. Celle-ci avait été foudroyée par Zeus, et Dionysos l’a introduite au séjour des Immortels. En cela, il est libérateur des Enfers, initiateur, et conducteur des âmes.

 

Anne L jesuisjecree.com

Wotan et le nazisme, selon C.G. Jung

Le psychanalyste C.G. Jung a mis en garde ses contemporains à propos de la montée du nazisme en Allemagne. Il a proposé en outre une explication originale à l’irruption de la barbarie au sein d’une société civilisée, phénomène évidemment symbolisé par une planète, en astrologie …

Jung est le créateur du concept d’”inconscient collectif” : outre les contenus inconscients personnels, il existe, selon sa théorie, des contenus inconscients partagés collectivement, quels que soient les époques et les lieux : « les instincts et les archétypes constituent l’ensemble de l’inconscient collectif. Je l’appelle « collectif » parce que, au contraire de l’inconscient personnel, il n’est pas fait de contenus individuels plus ou moins uniques ne se reproduisant pas, mais de contenus qui sont universels et qui apparaissent régulièrement. » (Ma vie)

Justement, à plusieurs reprises, dans ses écrits, Jung a révélé qu’il avait décelé, par le biais de son travail d’analyste, une puissante poussée de l’inconscient collectif chez ses contemporains. Dès 1918, il les alerte en évoquant une présence ombreuse dans l’inconscient germanique, prête à faire irruption. En 1929, il parle de nouveau des idées « délirantes  » qui mènent à des « psychoses de masse destructrices ».

  Il publie trois ans avant la seconde guerre mondiale, en 1936, un article intitulé « Wodhanaz », ou « Wotan », dans lequel il évoque encore la poussée inconsciente d’un désir collectif de puissance, et cette ombre incarnée par Hitler, il l’associe à … « Wotan » :

« Basant notre avis sur des facteurs économiques, politiques et psychologiques, nous sommes convaincus que le monde moderne est raisonnable. Je risque la suggestion hérétique que les profondeurs insondables du caractère de Wotan en expliquent plus sur le national-socialisme que ces trois facteurs raisonnables réunis. Il n’y a aucun doute que chacun de ces facteurs explique un aspect important de ce que se passe en Allemagne, mais Wotan en explique encore bien plus.”

Odin
Odin (Murray Alexander,Manual of Mythology : Greek and Roman, Norse, and Old German, Hindoo and Egyptian Mythology., 1874)

Jung présente Wotan, nommé en français « Odin », comme le dieu germanique « de la tempête », « le Vagabond, le Guerrier, le Seigneur des morts, le Maître de la Connaissance secrète, le Magicien et le dieu des poètes ». « Dieu (…) de la frénésie, déclencheur des passions et de la soif de bataille »,  il est de plus « un magicien supérieur et un artiste en illusion qui est versé dans tous les secrets occultes.”  

Assimilé au Mercure latin, Wotan est la racine de « mercredi » (jour de Mercure) dans certaines langues : wednesday (en anglais), woensdag (en néerlandais), onsdag (en danois, suédois et norvégien). Souvent figuré comme un vieil homme barbu et borgne, il se déplace sur un cheval à huit pattes, armé de sa lance. Quand il est dans son palais, il siège sur un trône avec ses deux corbeaux (la pensée et la mémoire), qui lui racontent ce qu’ils ont vu des neuf mondes. Deux loups, également, se tiennent à ses pieds.

Wotan, nous dit encore Jung, « saisit » les hommes, qui se trouvent alors en état de « possession » … Hitler, possédé par l’inconscient collectif, devient dès lors une « incarnation » de Wotan.

Pour Jung, le dieu Wotan est un archétype propre à l’inconscient collectif des peuples germaniques  : « Il est un attribut fondamental du psychisme allemand, un facteur psychique irrationnel qui agit sur la haute pression de la civilisation comme un cyclone et la souffle au loin. Les fidèles de Wotan semblent avoir jugé des choses plus correctement que les fidèles de la Raison. Apparemment chacun avait oublié que Wotan est un facteur germanique de la première importance, l’expression la plus vraie et la personnification sans égale d’une qualité fondamentale qui est particulièrement caractéristique des Allemands. »

Dès lors, on comprend qu’il est vain de vouloir faire disparaître un dieu en changeant les croyances ou les mœurs d’un peuple. Un dieu, c’est-à-dire un archétype dans la pensée jungienne, est issu de l’inconscient collectif, et il ressurgit régulièrement.

« Ce n’était pas dans la nature de Wotan de s’attarder et de montrer des signes de vieillesse. Il a simplement disparu quand les temps se sont retournés contre lui et il est resté invisible pendant plus de mille ans, travaillant anonymement et indirectement. Les archétypes sont comme les lits des rivières qui sèchent quand l’eau les abandonne mais, elles peuvent les retrouver de nouveau à tout moment. Un archétype ressemble à un vieux cours d’eau le long duquel l’eau de la vie a coulé pendant des siècles, creusant un canal profond. Et, plus elle a coulé dans ce canal, plus elle retournera naturellement un jour à son vieux lit.”

En soi, l’archétype n’est pas mauvais, mais c’est le refoulement, induit par sa diabolisation et par l’interdit religieux, qui mène à la pire des destructivités. Jung évoque, pour expliquer ce dangereux refoulement collectif, la conversion des peuples germaniques du paganisme au christianisme : « Ce sont les missionnaires chrétiens qui ont fait de Wotan un diable. En soi, il est un Dieu important – un Mercure ou Hermès, comme les Romains l’ont correctement compris, un esprit de la nature qui est revenu à la vie dans la légende du Graal”.

En astrologie, toutes les planètes sont porteuses d’ « ombre ». Néanmoins, l’astre qui représente la dimension collective de l’ombre, non civilisée et archaïque, venue du fond des âges (mais toujours présente), barbare, inhumaine, faisant irruption dans une société moderne et raisonnable, est Pluton.

Il va de soi que tous les peuples du monde sans exception sont liés à leur ombre collective, à certains archétypes, et ils peuvent connaître des états de « possession » à certaines périodes de leur histoire. Le seul rempart contre cette emprise des mouvements de masse quels qu’ils soient (et ils sont nombreux à notre époque) consiste à développer une conscience individualisée, capable de ne pas se laisser emporter dans le délire collectif …

Anne L jesuisjecree.com

L’individuation, selon C.G. Jung

masque
Les masques – crédit photo : Pixabay

Jung a inventé, entre autres, le concept « d’individuation », processus de création et de réalisation de soi.

Par les transformations qu’ils suggèrent, les transits planétaires que nous étudions en astrologie favorisent potentiellement « l’individuation ».

 Le médecin psychiatre suisse Carl Gustav Jung (1875-1961), défenseur de la psychanalyse de Sigmund Freud, s’en est aussi démarqué en explorant diverses sciences humaines, et en fondant ses propres réflexions théoriques.

La démarche analytique de Jung vise notamment “l’individuation”, l’état idéal d’un individu distinct du groupe, et complet, présent à lui-même et au monde, conscient de ses propres conflits intérieurs. Jung la définit comme « le processus par lequel un être devient un in-dividu psychologique, c’est-à-dire une unité autonome et indivisible, une totalité ».*

Cet état fait suite à un cheminement.

En effet, jeunes, nous nous créons une identité qui répond aux attentes de notre environnement familial et social, pour accéder à une forme de sécurité affective. C’est un état infantile d’identification.

Le développement de la personnalité de l’enfant, par identification, ne s’effectue pas seulement sur le plan conscient, mais aussi à des niveaux inconscients, et il est notamment influencé par les “ tensions névrotiques des parents”.

Jung a montré par ailleurs que ce développement éloignait l’individu de lui-même et de ses potentiels; il a précisé que :  “ l’éducation refoulait non seulement des tendances nuisibles mais des tendances qui font partie des meilleures possibilités de l’individu, le forçant à dévier de sa ligne véritable et entravant aussi son individuation, c’est-à-dire la réalisation de lui-même ».*

Cette identité, ce personnage qui est un masque (la persona), mais qui n’est pas l’identité profonde, nous pèse, et nous avons le sentiment diffus de n’être pas vraiment nous-même, d’être incomplet.

S’ensuivent des remises en question, un malaise psychologique, un état de crise, tandis que “l’ombre” qui a été refoulée dans l’inconscient se manifeste.

Dans ce processus d’individuation, des réajustements progressifs s’effectuent pour être davantage soi-même. Ces différentes étapes de crise s’accompagnent notamment de conflits relationnels …

L’individuation est ce processus au cours duquel l’individu devient une totalité, ce qui passe par la connaissance de soi, et par la prise en compte de ses parts consciente et inconsciente.

Jung a effectué un parallèle entre le processus de l’individuation et le Grand Oeuvre de l’alchimie. L’individuation est un voyage initiatique qui aboutit idéalement à l’incarnation du Soi, archétype de l’homme universel.

Notre thème natal nous prédispose à vivre certains types d’expériences au cours de notre existence, marquées par les transits planétaires. Ces expériences sont potentiellement initiatiques, si on en comprend le sens et les enjeux. Elles sont marquées par le symbolisme des planètes et des secteurs de notre thème natal qui sont transités. Elles sont également symbolisées par la planète transitante. Les éléments ( feu, terre, air, eau ) sont aussi à l’œuvre, par leurs interactions. Leurs chocs et leurs alliances, correspondent aux multiples transformations intérieures que nous expérimentons au cours de notre vie.

Anne L jesuis jecree.com

*Ma vie, C.G. Jung

**Delay, Psychol. Méd.,1953, cité sur cnrtl.fr