Une amitié neptunienne : Montaigne et La Boétie

La synastrie est une comparaison de thèmes natals en astrologie; elle nous éclaire sur la relation entre deux individus. Celle de Michel de Montaigne et d’Etienne de la Boétie nous permet de mieux comprendre leur singulière et mythique amitié.

L’amitié est un sentiment philanthropique, un amour désintéressé de l’autre en tant qu’être humain, à qui l’on veut du bien. C’est une relation hors les liens du sang, hors l’attachement (a priori). Elle s’appuie souvent sur des affinités, sur des valeurs communes, mais aussi sur la confiance, la fidélité, le respect … En astrologie, c’est -vous le savez- le Verseau, la maison XI et Uranus qui sont en correspondance avec cette expérience unique de partage.

On ne peut pas parler d’amitié sans penser aux emblématiques Montaigne et La Boétie, une référence de la culture française, en tout cas : dans les Essais, Montaigne décrit en effet une véritable amitié, qu’il distingue des sympathies superficielles, intéressées, et une relation absolument exceptionnelle :

« Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu’en répondant : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »

« Il y a, au-delà de tout mon discours, et de ce que j’en puis dire particulièrement, ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous oyions l’un de l’autre, qui faisaient en notre affection plus d’effort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel ; nous nous embrassions par nos noms. »

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Michel de Montaigne, 28 février 1533, 11H30, Château de Saint Michel de Montaigne (calendrier julien)

En effet, il y a « quelque ordonnance du ciel », et … dans le ciel. Montaigne ressent bien le principe planétaire en jeu dans cette relation : Neptune.

L’amitié entre Montaigne et La Boétie dure de 1558 à 1563, jusqu’à la mort de son ami. On peut remarquer, dans le thème de Montaigne que Mars, le maître de la maison XI (l’ami), est situé en maison VIII, conjoint à Pluton (la mort, les deuils). Cette conjonction est d’ailleurs au carré de la Lune, maîtresse de l’Ascendant (le moi), et située en maison XI (les amis) ! Ainsi, cette perte amicale était inscrite comme une potentialité dans le thème natal de Montaigne …

La synastrie révèle deux Soleils en signes d’eau, en trigone : les Poissons pour Montaigne, et le Scorpion pour La Boétie. Dans ces deux signes des profondeurs, le rapport n’est pas intellectuel, mais psychique, émotionnel, intense, mystérieux, avec une part inconsciente qui est soulignée. Ces signes favorisent ce sentiment magique de sublime fatalité et de merveilleuse prédestination que décrit Montaigne… Rien n’interdit de penser qu’il s’agit de retrouvailles d’âmes soeurs, par ailleurs.

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Etienne de La Boétie, 1er novembre 1530, Sarlat (heure inconnue)

Le contact de base entre les deux thèmes est en réalité bien plus exceptionnel que les deux Soleils en trigone, et il explique le coup de foudre amical lors de la rencontre : la conjonction Soleil-Neptune en Poissons, dans le thème de Montaigne, est en conjonction avec la conjonction Lune-Neptune dans le thème de la Boétie !

Dans le signe des Poissons, avec Neptune, et l’union du Soleil et de la Lune, qui sont les principes masculin et féminin universels, on peut sans hésitation parler d’une amitié fusionnelle. Cette nouvelle citation de Montaigne illustre encore cette allégation :

« Ce n’est pas une spéciale considération, ni deux, ni trois, ni quatre, ni mille : c’est je ne sais quelle quintessence de tout ce mélange, qui ayant saisi toute ma volonté, l’amena se plonger et se perdre dans la sienne ; qui, ayant saisi toute sa volonté, l’amena se plonger et se perdre en la mienne, d’une faim, d’une concurrence pareille. Je dis perdre, à la vérité, ne nous réservant rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien, ou mien. »

 

Les habituelles limites entre les êtres sont dissoutes dans ce milieu aquatique (le signe des Poissons, et son gouverneur Neptune) pour « se plonger et se perdre » l’un dans l’autre …

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Poséidon-Neptune – crédit photo : Pixabay

Le contact Soleil-Lune évoque une complémentarité parfaite qui est vécue comme une fusion, car les deux principes qui se rencontrent trouvent leur moitié, et les individus se sentent complets. C’est le Yin et le Yang réunis, que Neptune fluidifie et unifie par une sorte d’opération alchimique … Il explique l’enchantement que Montaigne décrit, qui est la contemplation mystique de l’Etre et de l’Unité. L’amitié est ressentie et vécue comme une expérience spirituelle.

Neptune indique aussi une exceptionnelle compréhension intuitive, d’âme à âme, entre les deux amis qui étaient sensibilisés pour vivre ce genre d’expérience, puisque chacun disposait déjà, dans son thème natal, d’une conjonction entre un Luminaire et Neptune, dans le signe des Poissons. Ces aspects natals indiquent une propension à une forme ou une autre de communion. Sous le charme neptunien, les limites et les aspérités des deux ego disparaissent, et les occasions de querelle sont largement atténuées, donnant d’abord à la rencontre quelque chose d’irréel, et prolongeant la relation dans l’idéalisation réciproque.

De plus, avec Neptune, le coeur intervient dans la relation, selon le niveau de conscience des natifs : il s’agit d’un amour-compassion, inconditionnel, qui dépasse les sentiments plus courants, basés sur les intérêts de deux ego. Neptune exprime aussi le don de soi, comme Montaigne le décrit ici : « Chacun se donne si entier à son ami qu’il ne lui reste rien à départir ailleurs ».

On sait que la mort de La Boétie fut pour Montaigne une profonde perte, et qu’il a expérimenté l’absence de l’autre, irremplaçable.

 

 

Il est fort probable que, sur le plan psychologique, aussi, par le phénomène de la projection, inévitable et confirmé selon le symbolisme astrologique, il se soit développé entre les deux amis un lien de dépendance, comme dans une relation amoureuse passionnelle.

Cependant, cet interaspect me suggère de ne pas faire intervenir l’analyse pour dire quelles projections psychologiques sont en jeu, ni surtout prétendre élucider le rapport entre ces deux hommes, car dans les Poissons et avec Neptune notamment, tout n’est pas explicable. Quelque chose en fait reste inaccessible à l’esprit analytique; l’outil employé (en l’occurrence le mental analytique) conditionnant toujours le résultat. Or, l’intellect est limité. Le contact de base que nous venons d’observer marque le lien entre les deux individus d’un sceau mystérieux, irrationnel, qui échappe aux analyses. Montaigne ne peut l’exprimer non plus avec des mots …

Voyons les autres interaspects, qui apportent de l’agrément, des affinités intellectuelles, du sérieux aussi :

On remarque une conjonction Vénus-Jupiter en Sagittaire : outre le côté généreux et joyeux des deux planètes et du signe, cette conjonction a favorisé la vie sociale des deux amis, les affinités intellectuelles, philosophiques. Jupiter (Montaigne) joue un rôle bienveillant et protecteur à l’égard de Vénus (La Boétie), les deux amis partageant des valeurs communes. Il y a d’ailleurs réciprocité dans ce rôle jupitérien de protection, car Vénus en Verseau chez Montaigne est au trigone de Saturne et de Jupiter, déjà en trigone dans le thème de La Boétie (Gémeaux-Balance), les interaspects créant un grand trigone : l’attitude protectrice de La Boétie est appuyée et plus rigoureuse : avec Saturne, c’est la dimension de mentor qui ressort, surtout sur un plan intellectuel et social, La Boétie jouant le rôle de l’aîné (ce qu’il était réellement), mature et solide, qui inspire confiance par ses connaissances, sa sagesse, sa profondeur, son sérieux et son éthique. Cet interaspect diminue l’idéalisation dans la relation qu’il solidifie sur un plan plus concret.

Mercure en Verseau dans le thème de Montaigne complète le sextile Vénus-Mars de La Boétie (Sagittaire-Balance), pour former un triangle mineur. Il indique le plaisir et la stimulation intellectuels, la considération dans la communication, et sa vivacité.

Le sextile entre la Lune de Montaigne et Uranus dans le thème de La Boétie signifie bien l’amitié, puisqu’Uranus, comme maître du Verseau, en est le symbole. Son contact avec la Lune (le plan émotionnel) appuie encore l’idée d’une relation intime, d’une complicité plus vivante qu’une amitié purement intellectuelle : la relation est intéressante et originale. Il n’y a pas d’ennui puisque la Lune apporte son imagination, une inspiration et une sensibilité, et Uranus la fait vibrer dans des sphères où, tout en étant liés, on reste libres, indépendants. On s’apprécie sincèrement de façon désintéressée, sans possessivité, ni sentiment d’y être obligé.

La conjonction Mars-Pluton de Montaigne est au sextile du Mercure en Sagittaire de son ami : cet aspect dynamise la communication. Avec Pluton (en maison VIII), l’échange s’approfondit pour aborder des sujets plus secrets et intimes, pour échanger quelques intuitions profondes sur la vie, la mort, l’au-delà (etc.) C’est sans doute cet aspect Mercure/Mars-Pluton qui a débridé immédiatement la communication entre les deux hommes, et qui a donné à Montaigne cette impression a posteriori (apparemment), que ce qui a intensifié leur relation, c’est l’urgence, l’intuition du temps qui était compté avant la mort de La Boétie :

« Ayant si peu à durer, et ayant si tard commencé, car nous étions tous deux hommes faits, et lui plus de quelques années, elle n’avait point à perdre de temps et à se régler au patron des amitiés molles et régulières, auxquelles il faut tant de précautions de longue et préalable conversation. »

Cette synastrie n’est pas complète; seules les grandes lignes ont été commentées. On voit comme Montaigne a fait une expérience neptunienne, en vivant une relation fusionnelle. Elle a aussi induit un état de conscience dans lequel les âmes se touchent, et il n’y a plus de séparation. Dans l’optique neptunienne, la mort de l’objet aimé n’en est pas davantage une.

Anne L jesuisjecree.com

 

 

« Solitude : douce absence de regards »

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« Solitude : douce absence de regards »

Cette citation de l’écrivain Milan Kundera montre combien le sentiment de solitude est ambivalent. Quel chagrin, ou quelle sérénité de n’avoir aucun regard posé sur soi !

Il y aurait tant à développer sur le thème de la solitude que la réflexion dépasse largement le cadre de cet article : signifie-t-elle simplement absence de relations ? On peut se sentir seul tout en étant entouré … La solitude est-elle choisie, ou subie, et dans quelle mesure ? Il est très difficile de dire si l’on choisit la solitude ou si, au fond, on s’en accommode ! La solitude peut-elle, parfois, constituer une expérience, pour une part, enrichissante bien qu’on ne l’ait pas choisie ? Peut-on, d’ailleurs, se passer de moments de solitude pour se ressourcer, ou pour créer ?

Peut-être les « âmes seules » ont-elles à vivre, à travers la solitude, des expériences spécifiques comme, par exemple, un « travail » profond sur la relation, ou un détachement pour dépasser des peurs et des dépendances … C’est l’astrologie, certainement, qui répond à ce genre de questionnement, sur le sens de nos expériences et de notre chemin de vie.

Par ailleurs, le sentiment de solitude est sans doute inhérent à l’incarnation, tout comme le sentiment (mental et illusoire) d’être séparé, dont parlent les philosophies non dualistes … La peur d’être seul, qui est très fréquente aussi, si elle est à la racine de nos relations avec les autres, non seulement attire à nous des expériences problématiques, mais représente sur le plan spirituel, également, un nœud qui nous entrave.

En France, cinq millions de personnes vivent dans la solitude, soit 10% de la population, selon une étude récente du Crédoc. Détail remarquable : on note une hausse d’un million de personnes seules par rapport à 2010 : c’est beaucoup ! Ce phénomène dénote une fragilisation et une forme d’exclusion de bon nombre d’hommes et de femmes, et aussi un trouble qui affecte le lien dans notre société.

Dans l’étude du Crédoc, la solitude en France est mesurée par une quasi-absence de liens familiaux, professionnels, amicaux, affinitaires et de voisinage. Souvent, un lien subsiste à travers un seul de ces cinq réseaux, notamment par le voisinage ou bien la famille. Le phénomène de solitude semble rattaché à des facteurs comme le chômage ou l’isolement des personnes âgées.

En astrologie, ces situations sociales sont plutôt liées à la maison XII qui représente, dans notre thème natal, les expériences d’isolement et d’enfermement. Certains contacts de Saturne à une planète individuelle favorisent aussi une forme de solitude, que ce soit à un jeune âge ou à l’âge saturnien, la vieillesse, qui correspond à un faisceau d’expériences, dont la solitude peut faire partie.

Mais cette étude, vue de plus près, révèle certains aspects de l’isolement qui semblent plus inattendus : en fait, la plupart des personnes qui vivent cette situation d’isolement ont un emploi stable – et une majorité, même, un C.D.I. !

Dans ce cas, c’est le lien social, et notamment au travail, qui apparaît inexistant, suggérant un « métro-boulot-dodo » sans contacts réels avec l’entourage. Ou encore des conditions de travail qui limitent les occasions de créer des liens, par isolement géographique ou bien par une sorte de déshumanisation : hiérarchie, « management » sur le mode primates, paperasse administrative, travail devant machines et ordinateurs, etc. Ces problématiques relèveraient plutôt de la maison VI, qui est le secteur des contraintes, du quotidien routinier, du travail, des collègues ou des employés.

Autre petit détail important dans cette étude : parmi ces isolés, 16% ne se sentent jamais seuls, alors que sur l’ensemble des Français, ce sont 12% qui n’éprouvent jamais ce sentiment !

Alors, il s’agirait pour une part, de solitudes choisies, et plutôt appréciées, parce qu’ « il vaut mieux être seul que mal accompagné ». Ou bien cette réponse au sondage vient-elle d’ individus qui développent des résistances, inconsciemment, pour ne pas ressentir la douleur de la solitude ? Ce processus de refoulement, en langage astrologique, est saturnien.

Cette donnée statistique soulève aussi la différence qu’il faut effectuer entre la solitude réelle, objective, et le sentiment de solitude, qui habite n’importe quel individu, quelle que soit sa situation. Un psychiatre, G. Macqueron, donne dans son livre Psychologie de la solitude, une analyse intéressante pour l’expliquer : « Le sentiment de solitude se définit par deux symptômes. Un sentiment d’insécurité et une incapacité à faire appel aux autres. » Les individus, s’ils sont en difficulté, « ont le sentiment de ne pas pouvoir faire face et que, s’ils demandent de l’aide aux autres, ils vont déranger ». D’où un sentiment d’impuissance et de solitude qui s’auto-alimente … (20 minutes.fr)

Enfin, on remarque aujourd’hui une augmentation sensible de la solitude chez les jeunes. La vie moderne, l’usage des outils technologiques pour jouer et communiquer de façon virtuelle, les isolent souvent. Ce « mode de vie » (parfois addictif), en remplaçant souvent un intérêt pour la culture, l’étude, la propension à l’introspection, ou le contact avec le concret et la nature (etc.) ne favorise pas la socialisation, le développement affectif, ou l’intimité avec des amis. Au Japon, se développe le phénomène des hikikomori, des cas plus extrêmes que celui des geeks et des « no-life » : ces jeunes vivent repliés chez eux, reclus au domicile familial, et n’interagissent plus du tout avec le monde extérieur. Internet tient lieu de fenêtre sur le monde … Ce phénomène tend à s’observer aussi, et de plus en plus, dans d’autres pays occidentaux.

Il ne faut pas oublier que l’isolement est parfois un signe de détresse, d’un mal de vivre, liés à des troubles psychologiques comme différents complexes ou la dépression …

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La solitude et le symbolisme astrologique

Il y a certainement mille formes de solitude, et elle est souvent une étape passagère, durant laquelle un « travail » s’effectue sur un plan subjectif.

Dans un thème astrologique, la planète qui symbolise le lien est Vénus.

Après la maison XII et la planète Saturne, les indices favorisant la solitude sont nombreux, et reflètent les innombrables problématiques que les êtres humains peuvent connaître. Cela nous montre aussi l’extraordinaire complexité de l’art astrologique, dont les correspondances symboliques excluent toute traduction littérale et simpliste.

Entamons la réflexion avec quelques données.

Les signes d’eau et de terre peuvent, un peu plus que les autres signes, expérimenter la solitude. Ce sont des signes de polarité féminine, plus intériorisés que les signes masculins.

La sensibilité des signes d’eau peut les fragiliser de temps à autre, et les pousser à s’enfermer physiquement ou psychiquement : le Cancer va chercher refuge chez soi, dans son imaginaire ou dans le passé. Le Scorpion est également très sensible et, de plus, étant assez individualiste, il va rejeter le groupe. Les Poissons fuient, et comme le Cancer, rêvent d’un ailleurs, ou se créent un « paradis artificiel ». Ce signe est le dernier et il évoque toujours une forme de dissolution, vécue de façon mystique ou par des voies plus dénaturées. D’ailleurs, les signes d’eau, dans leur ensemble, sont aussi, en fait, ceux qui favorisent le vie intérieure et spirituelle, sujet qui est abordé à la fin de cet article …

Parmi les signes de terre, la Vierge et le Capricorne peuvent être assez inhibés. La Vierge est, comme le Scorpion, de nature introspective, et très sélective dans tous ses choix. Pour le Capricorne, ce sont souvent des résistances internes qui peuvent induire une solitude, et il a souvent un mode de vie, voire un plan de vie, élaboré pour fonctionner -et longtemps- avec un « blindage ».

Evidemment, les signes d’air et de feu (de polarité masculine) ont aussi leurs petites stratégies : l’air se distancie de ses émotions, et le feu ne croit qu’aux vertus de l’action !

Enfin, les valeurs uraniennes, avec la planète Uranus et le signe du Verseau, peuvent épisodiquement accentuer un sentiment de solitude. L’isolement est vécu avec le sentiment d’être différent, et d’avoir des aspirations pour l’universel (comme le signe des Poissons). Les Uraniens peuvent choisir la solitude, par esprit d’indépendance. Parfois, leurs projets, ou un engagement dans un groupe quelconque, ou pour une idée, voire pour l’humanité tout entière, les éloignent de la vie dans ses aspects concrets, en compagnie d’un … humain ordinaire 🙂 .

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Marre d’être différent ?

 

Affinons encore la compréhension des solitudes :

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Florence Arthaud, 28 octobre 1957, 19H35, Boulogne-Billancourt

Florence Arthaud

Le tempérament des navigateurs solitaires …

Sur la carte du Ciel de naissance de Florence Arthaud, grande navigatrice brutalement décédée l’an dernier, on remarque la conjonction Soleil-Neptune en Scorpion en maison VI. Le contact serré Soleil-Neptune indique son attrait pour l’océan (Neptune-Poséidon, dieux des eaux, des mers, des océans). Dans le Scorpion et la maison VI (maison de la santé), il y a une atmosphère de crise, sans doute des épisodes de dépression et, ce n’est pas un secret, d’alcoolisme. Neptune est en effet en relation avec le psychisme. Un contact entre le Soleil et Neptune implique une fuite, et la fameuse recherche de « paradis artificiels ». Soleil-Neptune indiquent aussi l’évasion géographique que les grandes traversées permettaient d’expérimenter.

Ce placement Soleil-Neptune en maison VI me suggère aussi que la native éprouve une difficulté à s’adapter au quotidien, à sa routine, et aux contraintes du travail. Naviguer, c’est échapper à certains de ces aspects de la vie où elle se sent à l’étroit, comme Neptune (la fusion au Tout, l’infini) dans la maison VI (les limitations) …

Le carré Soleil-Uranus ajoute une touche d’anti-conformisme, une différence qui ne fait pas suivre le troupeau.

Vénus est en sextile de Mars et de Jupiter, ce qui apporte des satisfactions affectives. Cependant, une large conjonction Vénus-Saturne encadre le Descendant (ou maison VII, du conjoint et de la vie sociale) : c’est une touche restrictive à l’épanouissement sentimental, ou aux contacts sociaux; la native est encline à « choisir » la solitude.

 

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Charles Baudelaire, 9 avril 1821, 15H00, Paris.

Charles Baudelaire

Dans le thème du poète Charles Baudelaire, c’est encore le Soleil qui est aux prises avec un astre en conjonction : Saturne.

La conjonction Soleil-Saturne montre une influence paternelle importante et douloureuse, par privation ou par dureté (l’un n’excluant pas l’autre !) ; le père de Baudelaire meurt alors qu’il est très jeune. Plus tard, il vivra une relation négative avec son beau-père. Celui-ci s’oppose à sa vocation de poète, tandis que sa mère le soutient (Lune en maison XI). La conjonction Soleil-Saturne indique un individu solitaire et une tendance à l’introversion. Saturne donne à l’expression solaire une gravité, une douleur (le spleen) et une profondeur qui limitent beaucoup la spontanéité, la sociabilité. Baudelaire est un peu misanthrope (ou, du moins, mal à l’aise face au monde collectif), et méprise à peu près tous les courants artistiques ou politiques de son époque.

Le carré du Soleil à la Lune en Cancer indique un conflit entre les valeurs féminines et masculines : la sensibilité et l’autorité sont désaccordées, et la personnalité est marquée par une lutte. L’oeuvre de Baudelaire est d’ailleurs peu appréciée, voire honnie de son vivant.

La poursuite de son recueil Les Fleurs du mal pour « outrage à la morale publique et aux bonnes moeurs » illustre encore comme le poète (ou l’artiste à la recherche du Beau idéal) est incompris par « le vulgaire » (terme employé dans le poème « L’Albatros » qui décrit la condition du poète dans la société). On peut aussi percevoir l’ambivalence de Saturne, fonctionnant par compensation : le poète, comme le « prince des nuées » au plus haut dans le Ciel, est placé au plus bas parmi les hommes.

La vie de Baudelaire illustre le mythe romantique de l’artiste qui vit et crée dans la souffrance. L’isolement dénoté par la conjonction Soleil-Saturne forme des conditions à la fois très frustrantes et propices à la création : une sorte de bulle permet à l’individualité de se démarquer, de se ramener vers soi, de s’approfondir et de créer.

L’Ascendant Vierge accentue le tempérament inhibé, exigeant, insatisfait, raffiné, à la recherche d’une perfection.

Baudelaire apprécie le génie de Balzac, admire et traduit Edgar A. Poe en français, et il sera plus tard la référence d’Arthur Rimbaud …

 

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Michel de Montaigne, 28 février 1533, 11H30 (calendrier julien), Château de St Michel de Montaigne (Dordogne)

Montaigne

Malgré son heure de naissance vague, « entre onze heures et midi », étudions la carte du Ciel de Montaigne.

Le Soleil en Poissons et l’Ascendant Cancer rendent enclin, si nécessaire, à fuir et à se retirer dans son propre univers. La maison I, du « moi », est mise en valeur par deux astres lents, Saturne et Uranus. Montaigne se sent distinct de l’autre, et son intérêt se tourne volontiers vers lui-même. L’écriture de son oeuvre Les Essais en témoigne magistralement : « Je veux qu’on m’y voie dans ma façon d’être simple, naturelle et ordinaire, sans recherche ni artifice : car c’est moi que je peins.(…) Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre (…) »

Montaigne entreprend son ouvrage en 1572 et le retravaille constamment jusqu’à sa mort en 1592. Avec Saturne et Uranus, deux astres au symbolisme très différent, la découverte de soi est complexifiée. Saturne en maison I montre une introversion, la nature réfléchie et profonde, introspective, qui perfectionne sans cesse sa pensée (en Cancer, il montre aussi un complexe lié aux parents, à la mère).

Uranus en maison I exalte encore la conscience de ses différences, de ce qui est unique en lui-même, de sa liberté : « Mon opinion est qu’il faut se prêter à autrui et ne se donner qu’à soi-même. ». Pourtant cette position farouchement indépendante conduit à la tolérance : « Je ne partage point cette erreur commune de juger d’un autre d’après ce que je suis. Je crois aisément qu’il y a des qualités différentes des miennes (…) Je conçois et crois bonnes mille manières de vivre opposées ; au contraire du commun des hommes, j’admets en nous plus facilement la différence que la ressemblance. »

La recherche est philosophique et a une visée universelle (Uranus) : « Chaque homme porte la forme entière, de l’humaine condition. » La solitude relative de Montaigne correspond à un goût pour l’introspection, la réflexion, la recherche d’une sagesse. Elle est une méthode philosophique.

Montaigne représente bien l’homme qui, dans sa solitude, peut élaborer le meilleur et l’offrir à ses semblables. Cette appréciation de Nietzsche en témoigne (citation que je suis ravie d’avoir retrouvée, point de vue admirablement exprimé, et que je partage) :

« Je ne connais qu’un seul écrivain que, pour l’honnêteté, je place aussi haut, sinon plus, que Schopenhauer, c’est Montaigne. En vérité, qu’un tel homme ait écrit, vraiment la joie de vivre sur cette terre en a été augmentée. » (Nietzsche, Considérations inactuelles, III)

Solitude et vie spirituelle

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La solitude est âpre et peut aussi être créatrice, enrichissante ou libératrice, ce dont nous avons besoin sur le plan intérieur.

Elle favorise la connaissance de soi, la vie spirituelle et le mysticisme, qui sont loin d’être absents de nos sociétés, malgré les apparences. L’aspiration à « autre chose », elle, est quasiment universelle, même si l’on n’en parle pas dans les études sociologiques, ni dans les médias, qui représentent plutôt la voix de l’extériorité, de la troisième dimension 🙂 . D’ailleurs, la solitude spirituelle est souvent le lot des personnes engagées dans un processus d’éveil, car elles ne trouvent pas facilement de compagnons d’âme, et perçoivent qu’un fossé se creuse entre elle-même et le collectif.

Le mot « moine » se traduit étymologiquement par « homme seul », un état profondément spirituel dans plusieurs religions. En général, le cheminement intérieur du moine le conduit au vide de soi pour se relier à Dieu …

 

L’homme seul ne s’ennuie pas forcément; en fait, il ne fuit pas son vide intérieur.

Dans la philosophie bouddhiste, par exemple, le vide est vacuité. La vacuité n’est pas le néant, mais la conscience de la nature illusoire des phénomènes. Cette compréhension de l’illusion se fonde sur l’observation que toute chose n’existe que par rapport à une autre … L’absolu est vacuité. Elle délivre de la souffrance, et elle est réalisée par l’éveil.

L’approche de ce concept de vacuité accorde un point de vue distancié sur nous-même, les autres, les événements, puisque la vacuité est la réalité ultime : c’est l’être des « choses », des apparences.

La méditation, ou bien simplement une façon d’être, une attitude méditatives, calment l’agitation mentale, les pensées incessantes et les émotions négatives. Cela aussi est une « douce absence de regards », une forme de solitude parfaite, avec un mental au repos …

Cet état n’exclut pas les relations; au contraire, il les facilite. Un certain retour vers soi, apparenté à la solitude, nous harmonise, pacifie notre rapport au monde et nos échanges avec les autres.

moine

Anne L jesuisjecree.com

crédit photo : Pixabay (pour toutes les illustrations de cette page)