Jules Laforgue, entre deux siècles

Cet article d’astrologie évoque le poète Jules Laforgue, conditionné par le passé et précurseur de la modernité. A la jointure des siècles, il incarne le passage entre deux mondes, au moment de la conjonction Neptune-Pluton. Juste avant ce nouveau cycle, la vie personnelle du poète s’achève prématurément de la tuberculose, comme pour témoigner de la grande transition collective.

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carte du ciel de Jules Laforgue

J. Laforgue, pivot entre deux époques

A la veille du XXème siècle, l’époque de Jules Laforgue (1860-1887) préfigure la naissance du monde contemporain. En poésie, la période est celle du symbolisme. Jules Laforgue a également été rattaché au mouvement décadent, et à l’esthétique fin-de-siècle. Cette fin de cycle collectif -comparable à notre époque actuelle- présente certaines tendances, comme l’attrait pour la mort et le rejet de la science. C’est une période de déclin en France, à la suite de la défaite de 1871 et de la Commune.

C’est la fin d’un monde ; nous savons aussi que cette époque est un corridor qui mène directement à la Première Guerre Mondiale.

Cependant, les arts sont plutôt foisonnants en France (prouvant l’existence de la fameuse « culture française qui n’existe pas »). On traverse, par exemple, l’époque de l’impressionnisme, en peinture, et de Debussy, d’Erik Satie, … en musique.

Avec un thème natal qui présente une maison XII habitée, Jules Laforgue participe à cette transition collective, en clôturant le passé, et en préfigurant l’avenir -même si l’homme ne verra pas ce futur qu’il contribue à engendrer.

En effet, Laforgue est l’un des inventeurs du vers libre ; il s’exprime par un lyrisme teinté d’absurde, de dérision et d’ironie (qui cachent la tristesse profonde), avec une ponctuation abondante, qui annonce l’écriture poétique du siècle suivant. Laforgue à son époque surprend par son sens de l’innovation langagière.

Toutefois, si le poète est précurseur d’une tendance collective à venir, dont il sème les graines, à titre personnel, il ne poursuit pas le voyage et meurt prématurément, à l’âge de 27 ans.

Sur le plan des grands cycles astrologiques, l’époque de sa mort est marquée par la conjonction de Neptune et de Pluton dans le signe des Gémeaux. Cette conjonction planétaire exceptionnelle entre les deux astres les plus lents et les plus puissants a eu lieu en 1890, trois ans après le décès de Jules Laforgue. Elle correspond, selon l’astrologue André Barbaut, à l’avènement de l’époque moderne. D’ailleurs, nous vivons actuellement le développement de ce grand cycle (le plus grand des cycles planétaires étudiés en astrologie.)

Après son mariage avec une jeune Anglaise qu’il a rencontrée à Berlin, en décembre 1886, Jules Laforgue rentre en France. Il pense avoir contracté un mauvais rhume, mais son état de santé évolue mal, puisqu’il meurt quelques mois plus tard, en août 1887, de la phtisie -la tuberculose pulmonaire. Son épouse meurt moins d’un an après lui, en juin 1888, de la même maladie. La triste fin de Jules Laforgue peut être mise en correspondance avec l’approche de la grande conjonction Neptune-Pluton. Les deux astres sont en fin de cycle, et déclenchent, entre autres, des décès qui peuvent figurer la fin d’une époque -même et surtout si ces morts ont semé les graines de l’avenir …

Sur le plan astrologique, Uranus, dans le thème de naissance de Jules Laforgue, est le maître de la maison VI (secteur de la santé). Il est situé en Gémeaux, le signe des poumons, en carré de l’axe Ascendant-Descendant, symbolisant la relation de couple (entre autres). De plus cet axe est positionné dans les signes de la Vierge et des Poissons, deux signes liés au quotidien, au corps, et (pour les Poissons) aux maladies contagieuses. Quand Jules Laforgue tombe malade, Neptune, maître des Poissons, vient d’entrer en Gémeaux, et va rejoindre Pluton qui est déjà positionné dans ce signe.

Neptune transite également en carré de la Lune noire natale en maison VI, déclenchant la maladie, et Pluton transite en carré de l’axe Ascendant-Descendant : le couple est lié à une destructivité.

position des planètes à la mort de Jules Laforgue

L’âge de la mort de Jules Laforgue, 27 ans, plaide pour une influence karmique et transgénérationnelle, puisque cet âge correspond à l’inversion des Noeuds Lunaires.

La maladie peut tout à fait être liée à une transmission des ancêtres de Jules Laforgue -il a pu répéter le vécu d’un ascendant.

Par ailleurs, en astrologie karmique, les Noeuds lunaires ont une signification liée aux vies antérieures. On parlerait de maladie karmique en raison de cette inversion des Noeuds lunaires. Dans ce cas, c’est la rencontre de Laforgue avec sa future épouse, puis la maladie, qui sont reliées à des expériences des vies antérieures.

Dans l’ensemble, la maison XII natale chargée -avec .une conjonction Jupiter-Mercure et une conjonction Soleil-Saturne- montre de puissants conditionnements inconscients. Elle suggère entre autres la possibilité que le jeune homme soit sous l’emprise d’une répétition transgénérationnelle en vivant ce destin.

Uranus, maître de VI en IX, représentait toutefois un moyen de dépasser cette emprise au cours de sa vie, et de se libérer de certains traumatismes symbolisés par Chiron et la Lune noire dans la maison VI.

Uranus est situé dans les secteurs du travail et de l’étranger. En effet, Jules Laforgue est parti travailler comme lecteur pour l’impératrice d’Allemagne, à partir de 1881 (Uranus en Gémeaux, signe de la littérature). D’ailleurs, ce travail lui a également donné l’occasion de faire des voyages pour suivre son employeuse (maison IX). Pour Laforgue, le voyage -et l’ouverture philosophique- apparaissent propices pour se dégager de conditionnements. Il est à noter également que durant son enfance, la famille de Jules Laforgue, originaire des Pyrénées, s’était exilée en Uruguay pour y faire fortune ; d’ailleurs, dans le symbolisme astrologique, la maison XII est le secteur de l’exil.

En outre Chiron, en Verseau, et par la Lune noire Vraie, dans le signe des Poissons, tous deux en maison VI, complexifient le rapport du natif au quotidien, au corps et à l’incarnation. Avec Chiron et la Lune noire, il est question en effet de blessures psychologiques et affectives qui ont un impact sur la façon de vivre la vie dans la matérialité et, éventuellement, elles impactent la santé.

La relation maison VI-maison XII est l’une des plus complexes à analyser, en astrologie. Dans le cadre de cet article, on peut dire en substance qu’elle symbolise le rapport entre le corps et l’inconscient, en intégrant également les héritages karmiques et transgénérationnels.

Selon certaines théories d’astrologie karmique et évolutive, les planètes de la maison XII correspondent à des énergies qui ne peuvent pas être employées pour soi-même, mais qui sont plutôt vouées à être utilisées pour le bien des autres. Les énergies sont comme « en accès restreint », pour des raisons karmiques. Dans la même optique, la maison VI représente également des obligations, que le natif doit accepter dans le but de son évolution. Si l’individu refuse le service et les contraintes de la maison VI, des difficultés psychologiques peuvent s’installer -repli, dépression, etc. De plus, la maladie peut se déclarer, comme une manifestation des conflits intérieurs non réglés.

Sur le plan symbolique, selon M. Odoul, dans Dis-moi où tu as mal, la tuberculose est une maladie liée à des émotions de tristesse, de chagrin et à la solitude, qui finissent par « tuer la capacité à recevoir la vie » en soi (à travers la respiration).

Historiquement, la tuberculose apparaît à l’époque du Romantisme qui exalte les émotions de tristesse. Cependant, on peut aussi noter que cette maladie s’est développée à la suite de la révolution industrielle, qui a transformé la vie du peuple (et révolutionnant le sens de la maison VI, en astrologie).

Le peuple rural(1) vient dans les villes et accomplit un travail pénible durant de longues journées . Il vit mal logé, dans des villes surpeuplées et dans la misère.

Jules Laforgue n’est pas concerné par ce destin, mais il vit à l’époque qui nous fait tous basculer dans ce monde industrialisé. La conjonction Neptune-Pluton en Gémeaux -signe lié à la communication, comme la maison III des échanges, parle de cette évolution contre-nature, qui explique les difficultés grandissantes à vivre le quotidien, et l’apparition de maladies liées à la respiration et aux échanges.

En face de la maison VI, de plus, la maison XII de la vie intérieure et spirituelle est trop souvent ignorée, dans le monde moderne. L’homme se connaît mal, méconnaît son inconscient, et a abandonné toute vie religieuse et spirituelle.

D’ailleurs, historiquement, comme Jules Laforgue à la croisée des siècles, la tuberculose épouse le sens de l’histoire. En effet, la phtisie (tuberculose) apparaît d’abord aux médecins comme une maladie héréditaire, amaigrissante, associée au Romantisme (et à son esthétique maladive). Puis, au cours du XIXème siècle, on découvre que la tuberculose est une maladie contagieuse. Elle perd toute valeur esthétique, devient une maladie sociale, qui touche surtout les pauvres, les ouvriers des villes, et elle donne naissance à la médecine hygiéniste du XXème siècle.

Jules Laforgue est également le poète qui atteste d’un nouveau rapport à la vie quotidienne et à la vie du corps, dans la culture française. En effet, dans la littérature, on trouve la trace d’une première évocation péjorative de la vie de tous les jours, à la fin du XIXème siècle, dans les Complaintes (1885) de Jules Laforgue. Avant cette date, le quotidien n’était pas vécu, ni surtout pensé et représenté, de façon négative.

Anne L jesuisjecree.com

1 Les habitudes quotidiennes à la campagne suivent le rythme de la nature; la routine est moins aliénante; voir à ce sujet l’article sur le Zodiaque de la cathédrale d’Amiens, qui représente les activités saisonnières, en lien avec les 12 signes.